Alpes à vaches ou Alpes à moutons ?
Haro sur les chromos
Ovins et bovins se partagent-ils les Alpes selon un ordre naturel ? Leur répartition est-elle le fruit du hasard ou de la nécessité ? De la nature ou de la culture ? Au-delà des clichés, un géographe démêle l’écheveau d’un bestiaire en mouvance, fluctuant au gré des aléas de l’histoire et des avatars des civilisations. Par Bernard Debarbieux, directeur du laboratoire de recherche, de l’Institut de géographie alpine à Grenoble.
Le sage et le nomade
Un troupeau pâture et ce seul spectacle suffit à calmer nos craintes et à apaiser nos doutes en cette fin de siècle pourtant si chargée de raisons de désespérer de l’homme. Pourquoi ? Pour le repère qu’il fournit, apparemment épargné des turbulences de l’histoire ? Pour la promesse qu’il porte d’un cycle de vie qui s’accomplira et recommencera, inévitablement ? Ou pour la relation d’équilibre que cette activité humaine reste capable d’entretenir avec l’environnement naturel ? Par Jean-Claude Duclos, directeur-adjoint, du Musée dauphinois à Grenoble.
Le « transhumoriste » alpin
F’Murrr, mode d’emploi
En clin d’oeil au dessin que F’Murrr a réalisé pour les rabats de couverture de ce numéro de L’Alpe, voici ici décrit par le menu l’univers surréalistico-loufoque du seul auteur de bande dessinée qui se soit jamais intéressé à la transhumance. Portrait presque chinois d’un monomaniaque amoureux de l’alpe… Par Yves Frémion, conseiller régional, ancien député européen,, écologiste, iconologue et zygomaticien.
Bergers qui dormez sous les étoiles…
Pourquoi le pâtre joue-t-il souvent de la flûte (quand ce n’est pas de la cornemuse !) dans les scènes représentant la Nativité ? Jacques Lacarrière propose ici une étonnante réponse à cette énigme millénaire. Une interprétation glanée lors d’un voyage dans les montagnes de Cappadoce.
Ces étraves qui fendaient le mistral…
Il y a deux mille ans, des dizaines de milliers de brebis attendent de prendre le chemin des alpages, blotties à l’abri du mistral dans les grandes bergeries de la Crau… C’est du moins ce que permettent de supposer des fouilles récentes qui bouleversent l’état de nos connaissances sur les transhumances de l’Antiquité. Les colons romains furent-ils les précurseurs de nos bergers alpins ? Par Otello Badan, technicien à la Réserve naturelle de Camargue, Jean-Pierre Brun, chargé de recherche au CNRS, d’Aix-en-Provence et Gaëtan Congès, conservateur du patrimoine, en Provence-Alpes-Côte-d’Azur.
Des transhumants qui ont fait l’histoire
Dès le XIIe siècle, une transhumance au long cours s’installe dans les montagnes du Dauphiné. Ce va-et-vient régulier d’hommes et de troupeaux, qui fluctue tel une marée, hiver comme été, des prairies d’en bas aux alpages d’en haut, va marquer dès lors, et pour bien longtemps, le mode de vie des populations alpines. Par Henri Falque-Vert, professeur émérite d’histoire du Moyen Âge, à l’université de Grenoble.
Transhumants au quinzième siècle
Les carnets de voyages
Quels vivants récits que ces témoignages écrits qui s’étendent de 1460 à 1480 ! Les registres d’Alzias Raouls, intendant des troupeaux du roi René, le carnet de Peyre Barruel, son baïle, son maître berger, ou encore le journal de Noé de Barras, entrepreneur en transhumance, embrassent le pays d’Aix et le nord de l’actuel département des Alpes-de-Haute-Provence. Ils permettent aujourd’hui d’esquisser le scénario crédible d’une transhumance en Provence à la fin du XVe siècle. Moteur. Action. Par Jean-Yves Royer, psychologue de formation, enseignant, berger,, comédien, peintre et carillonneur.
La nouvelle vie du fouet de Sorède
Dans un petit village des Pyrénées, un centre d’aide par le travail perpétue une tradition séculaire : la fabrication de fouets de bergers en micocoulier tressé. Visite guidée. Par Denis Chevallier, ethnologue, conservateur en chef du patrimoine, à la Direction de l’architecture et du patrimoine à Paris.
Paroles de bergers
Vocation avant tout, le métier de berger est une profession à part entière qui requiert un subtil mélange de technique et d’instinct. Plus que jamais, les bergers ont un rôle à jouer pour préserver l’identité d’une pratique menacée et ils le disent avec passion. Des paroles qu’il faut savoir écouter… Par Marc Mallen, ethnopastoraliste.
La transhumance des glaces
Les neiges du Tyrol accueillent, deux fois par an, de longues cohortes de moutons au pas hésitant. Partis du Haut-Adige, ils grimpent vaillamment pour rejoindre les alpages de l’Ötztal et franchissent des cols enneigés à trois mille mètres d’altitude en suivant des parcours millénaires. Une survivance des transhumances qu’a sans doute connues Ötzi. Par Hans Haid, ethnologue, spécialiste des dialectes et du monde rural, notamment tyrolien.
Les nomades du Piémont
Chemineaux permanents des pâturages, certains bergers de la région de Biella, en Italie, continuent à mener leurs troupeaux dans une éternelle transhumance. Un étonnant vagabondage entre plaines lombardes et alpages montagnards. Cette pratique est menacée et anachronique, mais elle persiste envers et contre tout. Par Gustavo Burati, docteur en droit, professeur de français à Biella.
Les oubliés de la Pashmina
Au coeur du Ladakh, un peuple de bergers transhume encore entre hauts plateaux tibétains et collines du Cachemire. Catherine Mangeot a vécu plusieurs mois avec les Rupshu-pa, les hommes du Rupshu, dont l’espace vital est aujourd’hui dramatiquement amputé depuis l’annexion du Tibet par la Chine. Par Catherine Mangeot, ethnologue, aphotographe, conseiller technique au musée de l’Homme.
Des petites bêtes qui montent
Le bestiaire de la transhumance est riche et varié. Toute brebis n’est en effet pas apte à supporter les rigueurs de l’alpe. Longues marches sur de rudes sentiers, nourriture parfois incertaine, frimas des hautes montagnes réclament d’avoir bon pied, estomac d’acier et toison fournie. Par Marc Mallen, ethnopastoraliste et Jean-Marc Pelenc, consultant indépendant en recherche et développement rural.
Le loup est dans la bergerie (texte intégral)
La bête est de retour dans cette immense bergerie à ciel ouvert que sont les Alpes occidentales. Après le Mercantour, le loup a poussé l’été dernier des incursions en Dauphiné, en Savoie et jusqu’en Suisse, dans le Valais, s’attaquant à plusieurs troupeaux de moutons. Sous la houlette de Jean-Claude Duclos, le Musée dauphinois a récemment organisé une table-ronde sur le thème, brûlant, de la cohabitation du loup et des bergers transhumants. Morceaux choisis.
Plaidoyer pour une montagne des troupeaux et des pâtres
Le pouls du monde. Ne serait-ce pas ce moutonnement des troupeaux le long des pentes, ce vaste mouvement qui bat au rythme des saisons ? La transhumance est la respiration de la montagne, le souffle capable d’oxygéner nos sociétés anémiées, plaide Roger Canac, qui se fait l’avocat du monde pastoral. Par Roger Canac, écrivain, Ancien guide de montagne et maître d’école.
ET ENCORE…
Portfolio : Turner et les Alpes
Carnet de croquis à la main, le plus célèbre des romantiques anglais a sillonné les montagnes de Grenoble à Zürich en passant par Genève, le Mont-Blanc, le val d’Aoste et la plupart des cantons helvétiques. Son « journal de bord » est un ensemble remarquable d’oeuvres qui brossent le portrait d’un pays en même temps qu’elles dévoilent les évolutions d’un artiste et de ses intentions. Un long voyage aux confins de l’esthétique d’une époque. Soixante-douze ans plus tard, Monet « inventait » l’impressionnisme… Par David Blayney Brown, conservateur de la collection Turner, à la Tate Gallery à Londres.
La cuisine de l’alpe
Ses saveurs et ses odeurs sont inscrites dans nos souvenirs. Pourtant, en la découvrant mieux, on aperçoit toutes ses subtilités enrichies d’influences multiples. Au-delà du pittoresque, la gastronomie alpine telle que nous la présente Thierry Thorens prend toute sa dimension. Celle d’une cuisine vivante, inventive et à la personnalité bien affirmée. Par Thierry Thorens, compagnon cuisinier et restaurateur à Morzine,, élève de Paul Bocuse.
Il était une fois… La bonne fée de Tamangur
Inédit en français, ce conte est extrait de Las fluors dal desert (Éditions de famille, Zernez, 1993). Le statut de ce texte (dont le titre original est La Diala da Tamangur) reste difficile à cerner. Sans doute ne s’agit-il pas de la transcription pure et simple d’une légende de tradition orale dont il présente pourtant les traits stylistiques. La tradition familiale rapporte qu’une vieille femme de Sent, Duonnanda Baua (Tante Baua), racontait ces histoires à Cla Biert vers 1950. L’histoire se déroule à plus de 2 000 mètres d’altitude entre la Basse-Engadine et le Val Müstair, dans le périmètre protégé de Tamangur qui préserve la plus haute et la plus grande forêt d’arolles d’Europe. Une faune et des sites d’une belle sauvagerie… Par Cla Biert, écrivain de langue rhéto-romanche (1920-1981).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire