«C’est tellement facile pour le loup quand on habite en ville et qu’on vient de temps à autre se promener dans la nature. J’attends de voir ce qui se passera le jour où ce ne sont pas nos brebis qui se feront bouffer, mais un chihuahua plus bas dans la vallée.» Installé avec son troupeau de 1000 bêtes au-dessus de Saint-Dalmas-le-Selvage, en plein cœur du Parc national du Mercantour, le bergerFrançois Elies, 36 ans, est loin d’être un antiloup, contrairement à ce que l’on pourrait croire. Son discours est semblable à celui des autres jeunes bergers de la région. Des transhumants pour la plupart, qui se déplacent d’une montagne à l’autre pendant l’été. «Je reste persuadé que la cohabitation est possible. Mais il faut qu’on ait la possibilité de se défendre en cas d’attaque.»
Le droit de se défendre
Protégé au niveau européen par la Convention de Berne – que la Suisse a également signé et que certains politiciens suisses aimeraient aujourd’hui dénoncer –, de même que par la loi française, le loup peut toutefois être tiré sur décision préfectorale, lorsque la pression exercée sur un alpage est trop forte. «Il faut avoir mis en place un dispositif de protection et procédé à des tirs d’effarouchement au préalable», précise Jérôme Bricard, berger à Jallorgues, non loin de Saint-Dalmas-le-Selvage. En été 2010, le jeune berger s’est inscrit pour passer le permis de chasse, dont le coût sera pris en charge par la Chambre d’agriculture. S’il trouve logique d’avoir le droit de tirer le loup – uniquement à l’extérieur des limites du parc –, lui non plus ne rêve pas d’éradiquer l’animal. «En 2009, le loup m’a tué plus de cent brebis. J’ai passé l’été à ramasser des cadavres. Sur le moment, je l’aurais flingué sans hésiter. Mais avec le recul, je pense qu’on doit trouver des solutions. Puisque le loup est revenu naturellement, c’est qu’il y a une place pour lui ici.»
Protégé au niveau européen par la Convention de Berne – que la Suisse a également signé et que certains politiciens suisses aimeraient aujourd’hui dénoncer –, de même que par la loi française, le loup peut toutefois être tiré sur décision préfectorale, lorsque la pression exercée sur un alpage est trop forte. «Il faut avoir mis en place un dispositif de protection et procédé à des tirs d’effarouchement au préalable», précise Jérôme Bricard, berger à Jallorgues, non loin de Saint-Dalmas-le-Selvage. En été 2010, le jeune berger s’est inscrit pour passer le permis de chasse, dont le coût sera pris en charge par la Chambre d’agriculture. S’il trouve logique d’avoir le droit de tirer le loup – uniquement à l’extérieur des limites du parc –, lui non plus ne rêve pas d’éradiquer l’animal. «En 2009, le loup m’a tué plus de cent brebis. J’ai passé l’été à ramasser des cadavres. Sur le moment, je l’aurais flingué sans hésiter. Mais avec le recul, je pense qu’on doit trouver des solutions. Puisque le loup est revenu naturellement, c’est qu’il y a une place pour lui ici.»
Fronde antiloup moins forte
Malgré les pertes subies, le ton des bergers est de manière générale plutôt mesuré aujourd’hui. Il en allait tout autrement en 1993, lorsque le loup a officiellement fait son retour dans le Parc national du Mercantour. «Les réactions des éleveurs ont été très fortes, se souvient Gérard Caratti, technicien du parc et chef du projet captures, marquage et suivi du loup. Les mesures de protection étaient encore inexistantes. Dans les troupeaux, il y a eu beaucoup de casse.» En 2000, un loup empoisonné puis dépecé est déposé devant la maison du parc. Deux ans plus tard, une enquête parlementaire est initiée par Christian Estrosi, un élu local à la tête de la fronde antiloup. «Cette action, poursuit Gérard Caratti, visait à démontrer que le loup avait été réintroduit par des écologistes. Cela afin de lever la protection que lui confère la Convention de Berne. Or, on a prouvé scientifiquement que son retour était naturel.»
Malgré les pertes subies, le ton des bergers est de manière générale plutôt mesuré aujourd’hui. Il en allait tout autrement en 1993, lorsque le loup a officiellement fait son retour dans le Parc national du Mercantour. «Les réactions des éleveurs ont été très fortes, se souvient Gérard Caratti, technicien du parc et chef du projet captures, marquage et suivi du loup. Les mesures de protection étaient encore inexistantes. Dans les troupeaux, il y a eu beaucoup de casse.» En 2000, un loup empoisonné puis dépecé est déposé devant la maison du parc. Deux ans plus tard, une enquête parlementaire est initiée par Christian Estrosi, un élu local à la tête de la fronde antiloup. «Cette action, poursuit Gérard Caratti, visait à démontrer que le loup avait été réintroduit par des écologistes. Cela afin de lever la protection que lui confère la Convention de Berne. Or, on a prouvé scientifiquement que son retour était naturel.»
Depuis, les esprits se sont calmés. Entre vingt-cinq et trente individus sont aujourd’hui établis dans le Mercantour, qui couvre une superficie de 2150 km2 (contre 5200 km2 pour le Valais). Certains ont formé des meutes. Malgré des dégâts qui restent conséquents dans certaines zones de présence permanente – ou ZPP comme on les appelle ici –, le loup ne fait plus beaucoup parler de lui dans les bistrots. De même qu’il ne fait plus la une des journaux. «Sa présence n’est peut-être pas encore bien acceptée, mais elle est tolérée. Avec la nouvelle génération de bergers, qui ont une vision de l’écologie et de la nature en général différente des anciens, ça se passe de mieux en mieux. Le long travail de sensibilisation que nous menons sur le terrain est aussi en train de porter ses fruits.»
Médiations sur le terrain
Les pourparlers avec les éleveurs des vallées avoisinantes, les veillées avec les bergers sur les alpages, les discussions avec les habitants des villages du Mercantour, Véronique Luddeni ne les compte plus. Installée à Saint-Martin-Vésubie, cette vétérinaire dynamique à l’accent du Sud est un pilier de la médiation sur le terrain. «A côté de mes activités à la clinique que je dirige, je consacre une partie de mon temps à soigner les bêtes d’une centaine d’éleveurs de la région. En parallèle, je travaille au parc à loups Alpha et je participe en tant que conseillère vétérinaire au programme Prédateurs-Proies. Cela me permet de parler du sujet avec les éleveurs, avec qui j’ai noué des contacts privilégiés, de façon décontractée.»
Les pourparlers avec les éleveurs des vallées avoisinantes, les veillées avec les bergers sur les alpages, les discussions avec les habitants des villages du Mercantour, Véronique Luddeni ne les compte plus. Installée à Saint-Martin-Vésubie, cette vétérinaire dynamique à l’accent du Sud est un pilier de la médiation sur le terrain. «A côté de mes activités à la clinique que je dirige, je consacre une partie de mon temps à soigner les bêtes d’une centaine d’éleveurs de la région. En parallèle, je travaille au parc à loups Alpha et je participe en tant que conseillère vétérinaire au programme Prédateurs-Proies. Cela me permet de parler du sujet avec les éleveurs, avec qui j’ai noué des contacts privilégiés, de façon décontractée.»
Son constat? «Le loup est entré dans les mœurs. Bien sûr, il s’agit d’une acceptation fataliste. S’il disparaissait, les éleveurs seraient ravis.» Pour elle, son intégration ne sera véritablement réussie que le jour où tous les milieux, que ce soient ceux de l’élevage, du tourisme, des protecteurs de la nature ou encore des scientifiques, auront l’impression d’y trouver leur compte. «L’ouverture du parc Alpha, fondé en 2000 par Gaston Franco, le maire de Saint-Martin-Vésubie, a grandement contribué à éclairer le contexte général dans lequel le loup s’inscrit. Il n’y a pas que l’animal. Il y a aussi l’homme, il ne faut pas l’oublier.»
Aides aux agriculteurs
Maire de Saint-Dalmas-le-Selvage et éleveur, Jean-Pierre Issautier estime pour sa part que ses pairs ont été trop longtemps tenus à l’écart des débats. «Quand le loup est revenu, nous ne recevions que très peu d’informations de la part du personnel du parc. On nous disait que nous étions responsables si nos troupeaux se faisaient attaquer. Personne ne nous a appris comment éduquer les chiens de protection. Au début, c’était catastrophique.» Aujourd’hui, le maire reconnaît toutefois que la communication passe mieux. Et que le retour du loup a aussi eu des impacts positifs. «Il a permis d’attirer l’attention de l’opinion publique et des politiques sur les difficultés de la filière ovine. L’Etat nous a octroyé des aides. Celles-ci ont permis de rénover les cabanes de bergers, d’y installer des toilettes et des panneaux solaires. De manière générale, l’état sanitaire du cheptel s’est amélioré.» Sensible aux plaintes des éleveurs, la France a effectivement débloqué des crédits importants. «Il y en a beaucoup qui gueulent contre le loup, ironise un berger. Mais il faut quand même rappeler que les éleveurs reçoivent 650 euros par an pour les frais vétérinaires et la nourriture des patous, à peu près autant pour l’entretien des clôtures, entre 40 et 100 euros par bête tuée, sans parler des primes de stress proches d’un euro par bête quand le troupeau se fait attaquer. L’Etat prend encore à sa charge le salaire d’un aide-berger à hauteur de 80%, soit plus de 1000 euros. Financièrement, il faut être honnête, ils s’y retrouvent. Quant à nous, grâce au loup, nous avons à nouveau du travail.»
Maire de Saint-Dalmas-le-Selvage et éleveur, Jean-Pierre Issautier estime pour sa part que ses pairs ont été trop longtemps tenus à l’écart des débats. «Quand le loup est revenu, nous ne recevions que très peu d’informations de la part du personnel du parc. On nous disait que nous étions responsables si nos troupeaux se faisaient attaquer. Personne ne nous a appris comment éduquer les chiens de protection. Au début, c’était catastrophique.» Aujourd’hui, le maire reconnaît toutefois que la communication passe mieux. Et que le retour du loup a aussi eu des impacts positifs. «Il a permis d’attirer l’attention de l’opinion publique et des politiques sur les difficultés de la filière ovine. L’Etat nous a octroyé des aides. Celles-ci ont permis de rénover les cabanes de bergers, d’y installer des toilettes et des panneaux solaires. De manière générale, l’état sanitaire du cheptel s’est amélioré.» Sensible aux plaintes des éleveurs, la France a effectivement débloqué des crédits importants. «Il y en a beaucoup qui gueulent contre le loup, ironise un berger. Mais il faut quand même rappeler que les éleveurs reçoivent 650 euros par an pour les frais vétérinaires et la nourriture des patous, à peu près autant pour l’entretien des clôtures, entre 40 et 100 euros par bête tuée, sans parler des primes de stress proches d’un euro par bête quand le troupeau se fait attaquer. L’Etat prend encore à sa charge le salaire d’un aide-berger à hauteur de 80%, soit plus de 1000 euros. Financièrement, il faut être honnête, ils s’y retrouvent. Quant à nous, grâce au loup, nous avons à nouveau du travail.»
Alexander Zelenka
Terre&Nature, le 9 septembre 2010
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