Au Nid de Brebis

Le Nid de Brebis


dimanche 27 juillet 2014

Le berger, espèce en voie de disparition ?

Le berger, espèce en voie de disparition ?

Le berger, espèce en voie de disparition ?

Il y aurait encore environ 700 bergers en France ; pour un vieux métier tel que celui-ci c'est finalement très peu et les circonstances socio-économiques sont peu favorables au développement de cette profession, même si de nombreux jeunes viennent depuis quelques années tenter l'aventure, finissant même parfois par s'installer dans les Alpes, les Pyrénées et autres massifs pastoraux.
Les bergers et les bergères sont des gens généralement discrets, qui ont besoin de calme et de concentration pour faire leur métier et prendre les bonnes décisions pour la gestion du troupeau et de la montagne. Tous les ans, de nombreux touristes, autres usagers (plus éphémères) des espaces montagnards, nous demandent "comment approcher un berger", voire même "comment passer quelques temps avec un berger".
Le berger Francis Chevillon a écrit un savoureux texte à ce propos, où - avec beaucoup d'humour- il donne toutes les ficelles nécessaires pour "apprivoiser un berger" (texte à retrouver sur l'excellent site Ariège Pyrénées

Comment apprivoiser un berger


Il y a beaucoup d'espèces plus ou moins en voie de disparition dans les montagnes. Aujourd'hui, je voudrais parler de celle que l'on appelle communément "pâtre" ou "berger."
C'est une espèce étrange, généralement armée d'un bâton, d'un couvre-chef de formes plus ou moins diverses et d'un parapluie en bandoulière (quel que soit le temps d'ailleurs). Pratiquement, il est toujours accompagné d'un ou plusieurs chiens, souvent bruyants, mais pas toujours agressifs.
Ses moeurs sont quelquefois surprenantes: affable, ou bourru, sans qu'on ne comprenne toujours la cause. Nous avons à ce propos relevé quelques constantes intéressantes:
Plus le groupe de visiteurs sera important et voyant, plus il aura tendance à se cacher.

D'autre part, on peut noter qu'il est assez facile à apprivoiser avec du vin, du Ricard ou de la viande rouge (la verroterie est à déconseiller), par contre, nous en avons rencontré un qui préférait le jus de fruit au vin, le riz complet et la salade au steack braisé (ces goûts bizarres correspondent, nous semble-t-il, à la longueur des cheveux du-dit berger, mais cela reste à vérifier!)
Après une étude psycho-sociologique poussée et de nombreuses expériences, nous avons déterminé un point qui semble fondamental et doit conditionner toutes nos attitudes. Il est persuadé, dans tous les cas--même si c'est à des degrés divers--que la montagne lui appartient. Il s'agit donc, pour nous, d'en tenir compte. Par exemple, il appréciera toujours qu'on lui demande la permission d'établir un campement, ou de capter une source. Il s'avérera même dans certains cas de "bons conseils", notamment pour prévoir le temps (il semble jouir à ce propos d'un sens supplémentaire), ou pour nous aider dans un travail de prospection car, en général, il connait assez bien son secteur, quoiqu'il marque un dégout souvent prononcé pour tout ce qui peut ressembler à un trou ou à une grotte. A ce propos, il est toujours judicieux de lui faire remarquer qu'après nos explorations, nous reboucherons ou nous protégerons les trous que nous avons désobés. De même qu'il aime à ce que la place du campement soit nettoyée au moment du départ (plastiques, boîtes de conserves, etc...)
Une autre constante d'ordre psychologique que nous avons pu observer est le fait que "la modestie ne l'étouffe pas". Il aura même tendance, dans certains cas, à pratiquer une attitude condescendante en ce qui nous concerne. Nous en avons même rencontré un qui se comparait à l'Aigle ou à l'Isard. Cela semble dû au fait qu'il se tient plus particulièrement sur les crêtes ou aux endroits escarpés pour surveiller son bétail.
Une méthode simple pour l'apprivoiser consiste à lui signaler les bêtes isolées que l'ont peut apercevoir, en prenant bien soin de lui signifier la marque ou "pégé" qu'elles ont sur le dos, ainsi que sa couleur ou sa localisation. (Le pégé est une marque à la peinture que les brebis ont, soit sur les épaules, le dos ou l'arrière-train; il est différent selon les propriétaires. Les vaches quant à elles n'ont qu'une étiquette (appelée "boucle") à l'oreille, avec un numéro). Il convient de le renseigner de façon assez souple afin de lui laisser la possibilité de dire "qu'il le savait déjà". Idem pour les bêtes mortes que l'on peut rencontrer.
A ce propos, il semble évident qu'il nous faut éviter à tout prix de laisser rôder nos chiens (il est même grandement préférable de ne pas en avoir) car il marque un obession notoire à ce sujet.
Pour que le contact soit facilité, il est nécessaire de connaître quelques termes dont il se sert le plus couramment, afin d'éviter d'être traité de "touriste"--ce qui sonne souvent comme une insulte dans sa bouche.
Les BREBIS ou femelles adultes. Elles sont la grosse majorité du troupeau et c'est le terme général qu'il emploie lorsqu'il veut parler d'un groupe, et non pas le vocable MOUTON réservé aux mâles chatrés de plus d'un an. Les mâles entiers pour la reproduction étant les BELIERS, souvent avec des cornes, encore que cela dépende des régions, de même que les brebis.
Il emploie le terme "mousquer" ou "coumer" pour parler de l'habitude qu'on les bêtes de se protéger du soleil pendant les heures chaudes du midi. C'est d'ailleurs une attiutde qu'il partage aussi volontiers. Il parle de "faire la sieste" et il n'est jamais judicieux de venir le voir à ces heures là, même pour lui demander une boîte d'allumettes ou un ouvre-boîtes.
Une autre tactique d'apprivoisement que nous avons employée avec succès--surtout dans le cas de cabane isolée ou éloignée de la limite des bois--consiste à lui rendre visite avec un fagot de bois que l'on décharge ostensiblement devant la porte de son abri. Sa reconnaissance, même si elle n'est pas marquée, sera bien évidemment proportionnelle à la dimension du-dit fagot. Cette méthode est donc à déconseiller aux personnes déjà lourdement chargées ou fatiguées de naissance, mais peut provoquer une invitation à la veillée dans la mesure où l'on aime à entendre des histoires animalières ou de l'ancien temps. (Il convient d'éviter dans ce cas d'arriver trop nombreux, surtout si l'on ne fournit pas la boisson.)
Soulignons à ce propos qu'il est fermement déconseillé de pénétrer dans "sa" cabane en son absence, même si celle-ci (errare humanum est) est portée "refuge" sur notre carte.
Un autre sens (en plus de la prédiction du temps dont nous avons parlé plus haut) semble être plus développé que d'ordinaire, c'est la vue, qui'il complète d'ailleurs trés souvent par une paire de jumelles plus ou moins sophistiquées. A ce propos, il nous faudra admettre qu'il sera presque toujours au courant de tout ce qui touche nos allées et venues ou nos activités matinales. Il faut savoir en tenir compte.
Es espérant que ces quelques remarques sans prétention puissent aplanir le fossé qui sépare presque deux civilisations, et qu'ensemble nous puission jouir des montagnes qui nous entourent.
--Francis Chevillon
Pour plus d'informations sur le métier de berger, consultez le site de l'association des pâtres de l'Ariège.

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