ALPAGES
Marie, 28 ans, bergère de Combe-Madame
by ESJ Fond de France • • 1 Comment
Marie Truc-Vallet, 28 ans, est bergère dans l’alpage de Combe Madame depuis l’été dernier. Elle est détentrice d’un BTS agricole en élevage et d’un diplôme d’Agriculture. Rencontre avec une jeune femme dynamique à l’histoire singulière.
Marie est originaire de Laval, petit village situé à côté de Prapoutel dans le massif des 7 Laux. Elle est fille de fermier. Ce qui lui fait dire :
« Je pense que c’est un peu pour cela que je suis arrivée à ce métier, même si c’est un peu différent du métier de paysan. »
De juin à fin août, la jeune femme gère un troupeau de 750 brebis. Elle les mène pâturer sur tout l’alpage de Combe madame. Les brebis appartiennent à trois élevages dont deux sont situés à Trièves au sud de Grenoble et l’autre au lycée agricole de la Côte-Saint-André entre Grenoble et Lyon.
Avant de se lancer dans ce métier, Marie a suivi une formation de trois jours organisée par la fédération des alpages de l’Isère. Elle explique :
« La formation porte notamment sur les soins et la contention des animaux. Les formateurs nous apprennent comment les attraper pour qu’on ne se fasse pas mal au dos et que les animaux ne souffrent pas. Il existe une formation plus longue de berger. Mais moi je ne l’ai pas suivie. »
En 2012, Marie est à la recherche d’une place de Bergère. Elle poste une annonce sur un site sur la bourse à l’emploi du berger.
« On peut y déposer des annonces et les éleveurs te contactent s’ils sont intéressés par ton profil. »
Son profil, justement, attire l’attention de plusieurs éleveurs qui la contactent. Elle visite des élevages dans le sud de la France. Finalement son choix se porte sur un élevage de vaches sur le plateau d’Emparis.
« Mais en dernière minute, les éleveurs ont eu un problème avec la mairie. C’est tombé à l’eau. »
Heureusement pour elle, l’alpage de Combe madame a besoin d’un berger. C’est Christian, l’ancien berger de l’alpage qui l’en informe. Ils travaillent ensemble à la station de ski des 7 Laux pendant l’hiver. Marie est également prof de Ski.
« Au mois d’Avril, j’ai recontacté les éleveurs de Combe Madame. Nous avons postulé en couple avec mon ex copain. Il faut postuler en couple car il faut également tenir le refuge. »
C’est ainsi que l’année dernière, Marie gérait à la fois le refuge de l’alpage et pratiquait le métier de bergère. Fanny et Quentin, un couple d’amis, est venu pour l’aider. Cette année, c’est eux qui tiennent le refuge. Fanny est également aide-bergère de Marie. La jeune femme est embauchée pour un contrat de 44h, le maximum que l’on peut avoir. Salaire net : 2000 euros. Elle nous confie :
« Ici c’est assez bien payé car c’est aussi un alpage réputé difficile. »
Des journées bien chargées
Mais Marie fait plus que les heures prévues. Sa journée de bergère débute généralement autour de 9h30. Elle revient vers le chalet avec son troupeau vers 20h30.
Durant tout l’été, Marie mène le troupeau sur tout l’alpage de la Combe madame. L’alpage s’étend de la fin de la forêt jusqu’au verrou où est posée une clôture. En juillet, elle garde les brebis dans le « quartier de juillet » autour du chalet. Elles pâturent tout autour du refuge. Cela lui permet de rentrer déjeuner au Chalet à Midi, avant de repartir l’après-midi. Mais en août, il faut monter plus haut car toute l’herbe est mangée autour du chalet. La jeune bergère et son troupeau se dirigent vers la cascade du verrou.
« Là je ne redescends pas le midi. Je leur donne le sel avant de partir le matin. On passe la cascade du verrou, et elles ont toute la Combe. Elles se scindent en deux groupes : les brebis du Trièves montent du côté du col de la Croix et celle de la Côte-Saint-André vont plutôt du côté du rocher blanc. Je les suis, les surveille, je fais une pause pour manger. Je peux me reposer un peu. Et puis le soir, je refais tout le tour de l’alpage pour vérifier qu’elles sont toutes descendues. Ensuite je les rassemble près de la clôture de la cascade du verrou et on redescend au chalet. »
Se protéger du loup
À cause de la présence menaçante du loup, Marie est obligée, la nuit, d’abriter les brebis dans un parc de protection près du chalet. Un parc à double clôture électrifiée. Pour elle, la présence du loup dans le massif de Belledonne n’est pas une légende. Elle soutient :
« Il a été photographié l’année dernière dans Combe madame avec un piège photo laser. Il a été aussi vu cette année au pluviomètre, une des aiguilles au dessus de Combe Madame. »
Marie dit être une exception dans la région car aucune attaque de loup n’a été enregistrée à Combe Madame. Par contre, tous ses voisins bergers ont subi des attaques l’année dernière sur l’Arpette, le col du Glandon ou les 7 Laux.
« C’est peut-être grâce à notre parc de protection pour la nuit qu’on n’a pas d’attaques. »
Maladies et pertes
En journée, conduire un troupeau à Combe madame n’est pas non plus chose aisée pour Marie. Les brebis ne restent pas ensemble. Elles se dispersent aux quatre coins de l’alpage. Elle confie :
« Au début ça fait un peu stresser et beaucoup marcher. Après on comprend qu’elles font leur tour, qu’on doit les surveiller et qu’on les retrouvera le soir. Cette année je suis moins stressée que l’an dernier. J’ai compris comment elles fonctionnent. Les coins où elles vont et ne vont pas. »
Autres difficultés : les soins à donner aux brebis ainsi que leur perte. Combe madame est un alpage avec beaucoup de pierres. Les brebis se font mal et beaucoup boitent. Le piétin, un champignon, s’incruste également dans les sabots des brebis et les fait pourrir. Il arrive également que Marie en perde quelques-unes. Tous les dix jours, elle les compte et leur prodigue des soins : un bain de pied avec du sulfate de cuivre, une bouillie bordelaise qu’on met notamment sur les vignes pour éliminer les champignons.
Reprendre la ferme familiale
Sur une pancarte du refuge où loge Marie est écrit :
« Les journées de marche, l’exposition au soleil et aux intempéries, planter des clôtures, de longues séances de soins aux animaux, etc. génèrent une usure au travail. La peau, les yeux, les jambes, les genoux, les mains et le dos souffrent. Les filles ont plus particulièrement des problèmes de portage de charges lourdes. »
Le métier de berger n’est donc pas de tout repos pour une femme. Marie ne compte pas être bergère toute sa vie. Elle va reprendre l’exploitation de la ferme de ses parents dans deux ans. La ferme compte cinq vaches et deux chèvres. Les deux prochains étés seront donc les derniers pour elle comme bergère.
Patrick Ndungidi.