Harcèlement au travail et vulnérabilité :
Vulnérabilité
Suite à un grave événement arrivé à une bergère, l’association avait décidé de réfléchir sur la question de la vulnérabilité renforcée par le contexte de notre métier. Nous avions conclu que nous devions communiquer et informer sur ce sujet. Un des moyens était de présenter ce qu’est le harcèlement au travail. Nous avons complété l’article proposé l’an passé et envoyé une lettre ouverte à différentes structures en relation au métier.
C’est peut-être un peu cliché, mais souvent bergères et bergers ont tendance à prendre sur eux quand une situation est difficile au boulot, parce que comme on a un métier difficile, on se dit que c’est sûrement normal d’en chier au travail… sauf que ce n’est pas parce qu’on est des super héros qu’on doit accepter toute situation comme une fatalité, et rester seul et sans recours. D’autant qu’au boulot, certaines situations relationnelles, avec nos employeurs ou autres, sont objectivement carrément abusives, mais on a du mal à le voir, occupés que nous sommes à nous remettre en question, voire à culpabiliser. Les abuseurs profitent de cet état d’esprit qui caractérise un certain nombre d’entre nous pour nous mettre dans la confusion et nous empêcher de, ou nous retarder à, réagir. C’est pourquoi nous vous proposons quelques clés pour identifier à quel type de situation problématique on peut être confronté et les moyens divers d’y faire face pour nous-mêmes et de façon plus large, pour que les abuseurs sachent ce qu’ils risquent à continuer leurs méfaits (sur d’autres victimes !)
METTRE DES MOTS SUR LES MAUX…
LES ATTEINTES GRAVES A LA PERSONNE
Quelques définitions:
coups et blessures, harcèlement, harcèlement moral, harcèlement sexuel…
Les coups et blessures sont des atteintes ponctuelles portées à l’intégrité physique d’une personne par une autre.
Ces actes sont différemment traités par la justice selon qu’ils sont volontaires ou involontaires, selon les circonstances et la gravité des dommages subis.
Les agressions psychologiques ponctuelles (injures, menaces, quand elles ne sont pas répétées) sont traitées de la même façon que les blessures volontaires par la justice :
Quand la victime porte plainte, c’est notamment la durée de l’ITT qui va permettre aux services de qualifier la nature de l’infraction et donc la tenue ou non de poursuites pénales : contravention si ITT inférieure à 8 jours, délit si ITT supérieure à 8 jours.
L’ITT signifie Incapacité Totale de Travail, c’est un document établi par les services médicaux (ou médico-psychologiques) que vous aurez consultés au moment des soins nécessités par votre état suite à l’agression. Ce document constate le retentissement des dommages sur la victime, et est destiné aux services judiciaires. Il est très utile pour porter plainte, que les violences aient été physiques ou psychologiques. (À ne pas confondre avec ITT, Incapacité Temporaire Totale, ni avec sa petite sœur ITP, Incapacité Temporaire Partielle, relative aux arrêts de travail, et destinée donc aux caisses d’assurance maladie.)
Le harcèlement est la répétition de propos et de comportements ayant pour but ou effet une dégradation des conditions de vie de la victime. Cela se traduit par des conséquences sur la santé physique ou mentale de la personne harcelée. Le harcèlement peut être sexuel et / ou moral et constitue un délit dans les deux cas (quelle que soit la durée de l’ITT).
Le harcèlement moral se manifeste par des agissements répétés tels que : remarques désobligeantes, intimidations, menaces, vexations, insultes, propos obscènes, appels téléphoniques, SMS ou courriers électroniques malveillants, visites au domicile ou passages sur le lieu de travail, etc.
Le harcèlement sexuel se caractérise par le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou des comportements à connotation sexuelle qui portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, ou créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante. Mais est aussi assimilée au harcèlement sexuel toute forme de pression grave (même non répétée) dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte sexuel, au profit de l’auteur des faits ou d’un tiers. Si l’auteur des faits a eu un contact physique avec vous il peut s’agir d’une agression sexuelle, plus gravement punie.
Dans tous ces cas, quatre nécessités :
1 / Appeler les secours, consulter, se faire soigner
Le 112, quelle que soit l’urgence, y compris en montagne
Services d’urgence des hôpitaux
Médecins du travail de la MSA
Psychologues proposant des consultations spécialisées “souffrance au travail”
(liste sur le site souffrance-et-travail.com)
2 / En parler, se faire aider
Cléopâtre, le “SOS” des bergers en détresse.
Si le problème est directement lié au travail, un syndicat peut vous aider, voire, avec votre accord écrit, engager à votre place une action en justice.
Le 08 victimes, quelle que soit l’infraction dont vous êtes victime : 08.84.28.46.37
Amav, association d’aide aux victimes, Adavip, association d’aide aux victimes d’infractions pénales, Cdad, conseil départemental d’accès au droit, Cidff, centre d’information sur le droit des femmes et des familles, etc.
3 / Garder des preuves, recueillir des témoignages
Certificats médicaux, ITT…
Contrat de travail, relevés bancaires en cas de non paiement des salaires
Historiques de téléphone, SMS, petits mots, messages divers
Écrits de témoins des faits comportant leurs coordonnées, le récit et les circonstances exactes des faits (date heure lieu etc.)
Si possible au moment des faits tenir un journal d’alpage (relatant vos activités) et un journal des faits abusifs avec le plus de détails possible
4 / Se défendre, déposer plainte
Soit en se rendant auprès de la police ou de la gendarmerie. Soit, et surtout si ces derniers refusent de prendre la plainte, ne pas hésiter à écrire directement au procureur de la république (dont l’adresse est disponible auprès du tribunal de grande instance du lieu de l’infraction ou du domicile de l’auteur des faits), en écrivant une lettre sur papier libre qui doit préciser : état civil complet et coordonnées complètes du plaignant (adresse et téléphone), récit détaillé des faits, date et lieu de l’infraction, nom de l’auteur présumé s’il est connu du plaignant, noms et adresses des témoins de l’infraction, description et estimation provisoire ou définitive du préjudice, documents de preuve.
Si les infractions sont le fait de votre employeur, vous pouvez en même temps, voire préalablement à la plainte, saisir l’inspection du travail qui peut venir constater sur place une situation de harcèlement, ce qui pourra constituer pour vous une preuve supplémentaire.
De même, si c’est votre employeur qui abuse, vous pouvez en même temps saisir le conseil des prud’hommes pour obtenir réparation du préjudice subi et, le cas échéant, pour obtenir une raison de rompre le CDD.
AUTRES MOTS POUR D’AUTRES MAUX…
LES MANQUEMENTS AU DROIT DU TRAVAIL
Du désaccord patron / salarié à la “faute grave” de l’employeur, pas toujours facile de s’y retrouver
Il y a aussi les autres cas, où on ne peut pas vraiment parler de harcèlement ou d’agression, mais la situation au travail est tout de même problématique, voire insupportable, pour des raisons diverses :
> L’employeur au moment de l’embauche vous a menti ou caché des éléments qui vous auraient fait refuser l’estive si vous en aviez eu connaissance (activités, risques, désagréments, conditions de vie), sauf qu’au moment où vous vous en rendez compte il est trop tard (vous avez passé la période d’essai de votre CDD…)
> Vous avez accepté des choses illégales (partie du salaire payé au noir voire heures supplémentaires pas payées du tout) au moment de l’embauche parce que vous étiez intimidé
> L’employeur ne remplit pas ses obligations (par exemple venir vous aider à soigner)
> L’employeur entend vous obliger à commettre des actes illégaux ou qui vous répugnent (maltraiter les animaux, user de certaines produits prohibés ou toxiques pour l’environnement etc.)
Dans ces cas encore il est primordial de partager avec d’autres bergers, éventuellement plus expérimentés, et aussi de s’informer sur la marge de manœuvre que vous avez. Le mieux est bien sûr de réussir à négocier pour que les choses s’améliorent, mais ce n’est pas toujours possible.
Gardons en tête que l’employeur a certains droits, il a aussi des devoirs. Il peut vous imposer certaines choses dans une certaine mesure. S’il dépasse les bornes de vos convictions voire de la légalité, vous pouvez être conseillé(e) sur la meilleure façon de vous comporter et de réagir.
Ayez bien en tête que démissionner d’un CDD est impossible, sauf dans trois cas particuliers qui seront à prouver le cas échéant devant le tribunal des prud’hommes :
* Le salarié a trouvé un CDI (attention délai de préavis)
* L’employeur a commis une faute grave (ex: non-paiement des salaires, harcèlement sexuel ou moral, incapacité ou refus de fournir le travail convenu, modification du contrat CDD du salarié sans l’accord de celui-ci, etc.)
* Force majeure (ex : incendie ou inondation d’une telle ampleur qu’il est impossible de maintenir durablement le contrat de travail, catastrophe naturelle entraînant la paralysie totale de l’entreprise)
Dans tous les autres cas, la démission est interdite, même si elle est notifiée par le salarié par lettre recommandée avec accusé de réception : il s’agit alors d’un “abandon de poste”, qui peut vous coûter cher. Vous pourrez être condamné par les prud’hommes à verser des dommages-intérêts à votre employeur au titre du préjudice subi par votre abandon de poste. Attention encore : quitter son poste plus de trois jours est considéré comme un acte de démission.
L’idée est donc de commencer par étudier si on peut prouver une “faute grave” de l’employeur. Cela semble assez compliqué et délicat, de faire qualifier de “grave”, par la justice, un ou des manquements au droit du travail. Et en l’absence de la qualification d’infraction et donc de sa condamnation, vous n’aurez pas gain de cause. Pour mettre toutes les chances de votre côté, on vous conseille de vous rapprocher d’associations ou de dispositifs tels que Cléopâtre et surtout des syndicats, notamment ceux qui connaissent les réalités du métier de berger (c’est le cas de la CFDT dans le 04).
On peut aussi saisir l’inspection du travail (aux unités territoriales de la Direccte, direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation du travail et de l’emploi) à l’aide des numéros de téléphone suivants :
04: 04 92 30 21 50
05: 04 92 52 17 03
06: 04 93 72 76 00
13 : 04 86 67 32 00
83: 04 94 09 64 00
84: 04 90 14 75 00
Si ces interlocuteurs sont derrière vous pour prouver la faute de votre employeur,vous pourrez :
– Soit prendre acte de la rupture : partir de suite, envoyer une lettre recommandée avec avis de réception à votre employeur lui signalant que vous prenez “acte de rupture du contrat de travail pour manquements graves au droit du travail”, porter plainte dans le même temps pour le même motif, et faire une demande de procès aux prud’hommes.
– ou commencer par saisir les prud’hommes en continuant à travailler et attendre la résiliation judiciaire du contrat avant de partir.
Dans les deux cas ce sera au juge des prud’hommes de trancher pour constater s’il y a réellement eu faute grave.
Si par contre votre enquête auprès des syndicats, associations ou inspection du travail ne vous permet pas de prouver la “faute grave” de votre employeur, il vaudra mieux alors tenter de négocier à l’amiable l’évolution des choses ou la rupture du contrat de travail (signée par les deux parties).
Ici encore, nul doute que Cléopâtre ou un syndicat seront très bien placés pour vous conseiller au mieux dans cette négociation.
Allez, courage, on ne se laisse pas faire…
Sources:
Article d’Isabelle paru dans la Lettre ô bergers 2016, Ed. Abbasp
www.service-public.fr, 7 mars 2017
www.souffrance-et-travail.com, 7 mars 2017
stop-violences-femmes.gouv.fr, 7 mars 2017
http://www.urgences-serveur.fr/IMG/pdf/evaluation__itt.pdf, 7 mars 2017
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