L’extraordinaire arnaque de la protection du loup
L’Union internationale de conservation de la nature (UICN) et le lobby européen en faveur des grands carnivores (LCIE) veulent étendre la protection du loup aux hybrides, autrement dit aux loups chiens et chiens loups. Comment y parvenir ? Tout simplement en modifiant la Convention de Berne portant sur la protection des espèces sauvages. Un projet de modification écrit sous leur dictée sera en effet présenté au Comité permanent de la Convention de Berne, qui doit se réunir du 2 au 5 décembre prochain à Strasbourg.
loup italien
L’affaire serait passée inaperçue sans la vigilance du réseau des éleveurs. Alors que le loup fait de plus en plus de dégâts sur les animaux domestiques, que les éleveurs pratiquant l’élevage à l’herbe sont au bord du gouffre, que des voix s’élèvent pour dire que le loup n’est plus en danger, le Comité permanent de la Convention de Berne veut étendre la rigoureuse protection du loup aux spécimens issus de croisements avec les chiens. Le « Projet de recommandation sur les croisements entre les loups sauvages (canis lupus) et les chiens domestiques (canis lupus familiaris) » (1) est issu directement d’un rapport d’expertise commandé par Eladio Fernandez-Galiano qui dirige le Secrétariat du Comité permanent. Il a été rédigé par Arie Trouwborst, un universitaire d’Utrecht (Pays-Bas) qui est en même temps membre de l’UICN et du LCIE (2). Publié en anglais par le Conseil de l’Europe, il n’est toujours pas traduit en français. Ce rapport d’une vingtaine de pages se termine par le projet de recommandation. Repris tel quel, il pourrait être entériné lors de la prochaine séance plénière du Comité permanent après avoir été soumis au vote des États présents. Le conflit d’intérêt est patent, la stratégie bien rodée. L’UICN et le lobby LCIE font adopter leur politique conservationniste en dictant leurs textes aux institutions mondiales ou européennes. Les États n’ont plus qu’à obtempérer, les populations n’ont même pas été informées, la démocratie est totalement bafouée.
Le loup italien n’est qu’un bâtard, le loup français également
Pourquoi une telle précipitation ? Parce que l’imposture commence à être dévoilée : les loups qui recolonisent l’Europe ne sont pas sauvages, mais de vulgaires hybrides. Non pas issus du croisement entre espèces naturelles (comme le coyote et le loup donnant le loup rouge aux Etats-Unis), mais du croisement entre une espèce sauvage et une espèce domestique. Ces hybrides sont donc pollués génétiquement, comme l’est le « cochonglier » issu d’un porc domestique et d’un sanglier. L’affaire a été dévoilée devant les tribunaux, lorsque les chasseurs, éleveurs se sont défendus d’avoir tué non pas un ou plusieurs loups, mais des chiens. Récemment, en Suède, le tribunal vient d’acquitter les cinq chasseurs qui avaient été condamnées en première instance à de lourdes peines pour avoir tué trois loups. Ces derniers ont fait faire des analyses génétiques poussées, dont le résultat montre qu’il s’agit bel et bien d’hybrides et non de l’espèce sauvage protégée. Or, des signaux d’alerte ont été lancés depuis longtemps.
Laurent Garde, du CERPAM (Centre d’études et de réalisations pastorales Alpes Méditerranée) (3), avait mis en garde le ministère de l’Environnement dès 1996. Son rapport « Loup et pastoralisme » mentionne les craintes de Luigi Boitani (biologiste, spécialiste du loup, membre de l’UICN et LCIE) face à la fréquence de l’hybridation en Italie qu’il considérait déjà comme une menace majeure sur l’avenir du loup. « Dans la moitié Sud de l’Italie, dans les années 1940 à 1970, le loup en voie d’extinction côtoyait une population considérable de chiens errants : 100 loups pour un million de chiens » rappelle Laurent Garde, en citant les chiffres fournis en 2014 par les scientifiques Italiens Luigi Boitani et Paolo Ciucci. Il évoque les travaux de Michel Meuret et Jean-Paul Chabert (deux chercheurs de l’INRA), qui avaient préconisé un contrôle génétique des hybrides et leur élimination. En vain. « Le sujet n’a jamais été abordé en France pendant les seize années qui suivent. Sur le terrain, les éleveurs ont des doutes croissants, notamment en constatant des comportements familiers anormaux et des phénotypes atypiques » poursuit Laurent Garde. Ainsi les politiques emboitent le pas de l’écologie conservationniste, la parole des éleveurs n’a aucune valeur.
Transformer les territoires en parc animalier
Aujourd’hui, le taux d’hybridation atteint 34 à 42% de la population de canidés sauvages dans la région de Grosseto (Toscane), d’après une étude génétique publiée en italien le 5 décembre 2013 par Luigi Boitani et Chiara Braschi (4). Lors de la conférence d’ Ibriwolf qui s’est tenue à Grosseto du 2 au 4 novembre 2014 devant un parterre international, ce taux a été ramené à 5 – 10% par le directeur Ettore Randi, du même département universitaire que Luigi Boitani et Chiara Braschi. L’évaluation transmise en anglais dans le Power Poing d’Ettore Randi porte sur toute l’Italie, l’étude précédente n’a pas été transmise lors de cette réunion. Tout porte à croire que les experts membres de l’UICN et du lobby LCIE tiennent à minimiser le risque même si Luigi Boitani se demandait comment gérer les hybrides lors de cette réunion. Faut-il les tuer, les mettre en captivité, comment prendre en compte le bien-être animal ?
Autant d’interrogations portées à voix haute qui ont eu le don de faire réagir la Ligue nationale pour la défense du chien (Italie). Dans une lettre ouverte du 14 novembre, la LNDC a demandé des comptes aux autorités régionales sur l’intérêt du projet Ibriwolf, un programme LIFE européen qui draine plus de 2 millions € de subventions. Une manne non négligeable pour des laboratoires de recherche en panne de crédits… Le problème de l’Italie se pose également en France où le loup a été éradiqué avant guerre. Les adorateurs de la vie sauvage ont applaudi l’arrivée du loup italien via les Alpes, sans se soucier des conséquences désastreuses sur la vie rurale, les élevages en plein air, les paysages. Ils ont fétichisé l’animal au point de criminaliser ceux qui lui porteraient atteinte, et couvert d’une chape de plomb la réalité. L’essentiel est de transformer les territoires en parc animalier. Peu importe que les hybrides fassent des dégâts considérables dans les troupeaux, ils seront protégés comme le loup si le projet de modification de la Convention de Berne est voté. Les hommes seront de plus en plus contrôlés pour qu’ils surveillent ou stérilisent leurs chiens et surtout qu’ils ne tirent pas sur les hybrides. Big Brother étend son pouvoir sur les campagnes.
La finance entre dans la danse
Car l’idéologie de la vie sauvage (ou ensauvagement des territoires) génère plusieurs industries. L’industrie du chien par exemple : pour garder les troupeaux, quelques aventuriers auto-proclamés éleveurs de chiens raflent déjà des subventions pour vendre des animaux… qui se transmettaient gratuitement d’éleveur à éleveur jusqu’à présent. Cette convivialité hors marché pourrait bien ne pas résister si des normes sont imposées sur les chiens de troupeaux par les mêmes écologistes conservationnistes. L’industrie de l’éco-tourisme, bien que la France et l’Europe ne rivalisent pas avec les grands espaces des autres continents. D’ailleurs « Pan Parks » ne répond plus, la société qui devait rentabiliser le territoire (en particulier le Mercantour) par le « tourisme sauvage » a été mise en liquidation judiciaire. Reste les marchés financiers de la biodiversité. Les forêts entrent déjà dans le marché carbone, sous forme de crédits de compensation attribués aux entreprises qui se dédouanent ainsi de leur pollution. Actuellement les propriétaires forestiers cherchent à comprendre le fonctionnement du système qui passe surtout dans les mains des banquiers.
Il est certain que la pression du loup sur les éleveurs favorise à terme l’avancée des friches, qui entreront probablement dans le marché carbone… Dans ce système de compensation, l’État sert de régulateur et distribue les crédits (ou permis) au profit des entreprises et des propriétaires fonciers. Il fonctionne depuis quelques décennies aux Etats-Unis pour la protection des zones humides où le marché mobilise un millier de banques de compensation (mitigation banks) et génère 1 milliard $ de chiffre d’affaires par an. L’intérêt des grands carnivores (le loup, demain le chacal doré, le glouton, et pourquoi pas le léopard d’Arménie) est de « faire le ménage » sur le territoire. Supprimer l’élevage extensif sur les biens communaux (ou les terres publiques aux Etats-Unis) permet de les privatiser et de faire fructifier le business financier. Lors d’un colloque organisé par Sciences Po et l’IDDRI, une représentante de la FNSEA s’est dite intéressée par ce type de marché. « Les agriculteurs pourront valoriser leur bien » a-t-elle déclarée lors de la discussion. Les intervenants l’en ont dissuadée. « La compensation financière exige des contraintes très lourdes de préservation, pendant 30, 60, 90 ans. C’est un peu un bail emphytéotique pendant lequel vous n’avez plus aucun droit ». Les contraintes environnementales anéantissent le droit de propriété. Il n’empêche qu’en 2011, le marché mondial de la compensation se montait à 2 milliards $.
Wall Street
L’UICN dans le coup
En vantant ses mérites, l’UICN estimait qu’il atteindrait 300 milliards $ d’ici 2020, grâce au programme concocté par ses soins, « pas de perte de biodiversité » ou « No Net Loss » et repris en chœur par l’Europe, la Banque mondiale et l’ONU. Dans un récent rapport, le Crédit Suisse, WWF et McKinsey font la même estimation (5). Toutefois, le marché des espèces en péril en est à ses balbutiements. Plus difficile à appréhender (nombre d’espèces, migrations…), il n’est traité que dans une centaine de banques aux Etats-Unis et génère un chiffre d’affaires d’un peu plus de 300 millions $ par an. Mais il ouvre des possibilités et d’énormes appétits, sous prétexte que les États, surendettés ne peuvent plus financer la protection de la nature. Ce marché financier est en train de s’organiser en appliquant le système de compensation. En 2011, Bloomberg a élargi au monde entier son site en ligne SpeciesBanking.com destiné aux investisseurs et aux particuliers qui cherchent à faire des placements dans la biodiversité. Du 21 au 22 janvier 2014, une cinquantaine d’investisseurs, de BINGO, de chercheurs, se sont réunis dans les locaux de la Federal Reserve Bank of San Francisco pour trouver de nouveaux produits financiers liés à la protection des espèces (5). Goldman Sachs, JP Morgan et le Crédit Suisse étaient présents. Le 13 février, Goldman Sachs organisait une réunionau sommet sur la finance environnementale dans ses locaux de New York.
Wall Street s’impatiente, la City de Londres également. Si les poids lourds de la finance s’intéressent aux espèces, c’est que les profits peuvent exploser grâce aux produits dérivés. Spéculant sur le risque, ils permettent de titriser (coter en bourse) l’espèce en danger. Dans son ouvrage « La nature est un champ de bataille », Razmig Keucheyan dévoile le projet de trois environnementalistes théoriciens de l’assurance (P.132) qui « suggèrent de mettre en place des species swaps, une forme de dérivé portant sur le risque de la disparition d’espèces ». En rendant la protection des espèces profitable aux entreprises, ces dernières prendraient soin de celles qui se trouvent sur leur territoire. L’État jouerait le rôle d’intermédiaire en versant des crédits à l’entreprise qui a su faire proliférer l’espèce. Dans le cas contraire, c’est l’entreprise qui verserait des crédits à l’État, qui se tournerait alors vers une BINGO (grande ONG) pour préserver l’espèce. L’un des initiateurs du profit par le risque, Josh Donlan, a depuis spéculé sur le retour d’espèces disparues par des manipulations génétiques (le mammouth…). Le champ s’élargit. On comprend dès lors que les hybrides ne sauraient rester à l’écart du marché. Jusqu’au krach final planétaire…
Les conséquences du retour du loup en France © Bruno Lecomte, éleveur à La Bresse (Vosges)
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