Défendre le berger d'alpage et les cultures pastorales
Dans les Alpes, les bergers, les éleveurs et leurs troupeaux sont pris en tenaille entre prédation, mise en place des mesures de protection et fréquentation touristique des alpages.
En complément de l'article paru le 19 août 2014 dans le Dauphiné Libéré au sujet des chiens patous, la Maison du Berger tient à apporter son soutien aux professionnels qui font vivre l’alpage. Il nous paraît incongru de mettre bergers et éleveurs à l’amende quand la raison de cette sanction est un incident généré par un moyen de protection du troupeau, à savoir un chien patou.
En effet, les pratiques pastorales ont considérablement évolué ces dernières années car la profession a dû faire face à un nouvelle donne très contraignante, la prédation et de ses conséquences pour les bergers et les éleveurs : préjudice affectif, détresse morale, surcroît de fatigue, lourdeur des mesures de protection, préjudice économique, stigmatisation sociale, etc.
L’arrivée du loup dans les alpages depuis les années 1990 a bousculé les habitudes : il n'est plus possible de laisser le troupeau en couchade libre, c'est-à-dire de le laisser dormir dans l'alpage librement ; il faut le rassembler chaque soir dans un parc de nuit électrifié. Pour lutter contre la prédation, il est devenu nécessaire de mettre des chiens de protection au sein du troupeau, les fameux patous. Leur rôle est de protéger les brebis et agneaux des prédateurs, loups et chiens errants. Les chiens de protection qui appartiennent à l'éleveur, s'avèrent être une contrainte pour tout le monde. Mais, sans leur présence, les troupeaux disparaitraient rapidement du paysage montagnard. Ce qu'on ne peut raisonnablement souhaiter.
Le berger garde le troupeau pendant 4 mois en alpage par tous les temps, tous les jours de la semaine. Il s'en occupe, le soigne, le fait manger, le dirige dans certains quartiers en fonction des périodes, le mène à boire, le protège des prédateurs la journée. Il le guide avec ses chiens de conduite, et doit s’accommoder de la présence des chiens de protection. Et tout cela, ça ne s'improvise pas.
Des formations existent en France pour apprendre ce complexe et difficile métier. De plus en plus de jeunes se lancent dans cette formation, après avoir fait des études secondaires ou supérieures, notamment en gestion de l’environnement. De plus en plus de femmes également choisissent ce métier.
Le pastoralisme est garant des espaces ouverts de nos montagnes. Il est aussi garant de l'entretien des pistes de ski, l'été. Il est porteur de lien social dans les territoires ruraux et montagnards. Enfin, les cultures pastorales ont considérablement structuré les modes de vie et les paysages des Alpes depuis 8000 ans. Sans elles, un monde s'effondrerait.
Il n’est pas raisonnable de prétendre prendre soin de la biodiversité si cette action positive se fait au détriment de l'anthropodiversité. Les cultures pastorales sont un bien commun précieux et elles ont droit à notre respect. Nous devons veiller à ce qu’elles perdurent et nous devons préserver la dignité des éleveurs et bergers, acteurs de terrain de ces cultures pastorales. Ils ne veulent pas être mis au musée !
Il est donc important de savoir partager l'alpage pour que chacun s'y sente bien. Le berger y est pour travailler : il gère un troupeau et un territoire, il veille à l’application des mesures agri-environnementales sur cet espace, il gère aussi des rapports parfois compliqués avec d’autres usagers qui, parfois, ne sont pas au fait de la complexité et des responsabilités du métier de berger.
Ces autres usagers (les randonneurs, les VTTistes, parapentistes, ...) fréquentent l’alpage pour leur loisir. Leur devoir de citoyen est de respecter le travail du berger qui, contrairement au cliché, n’est pas un pauvre hère, illettré, taiseux et anti-écolo primaire. Autant de clichés véhiculés par des gens qui connaissent mal les cultures pastorales. Le berger, la bergère est quelqu’un comme vous et moi, qui a choisi de faire ce métier. Idem pour les éleveuses et éleveurs qui ne sont ni obscurantistes ni contre la protection de la nature.
Le patou est un réel facteur de problèmes sur l'alpage. Ce chien est là pour défendre le troupeau qu'il considère comme sa famille. Tout peut être un danger pour les brebis qui ont besoin de quiétude pour pâturer. Vivant avec les brebis, le patou est garant de cette tranquillité qu’il fait respecter par des aboiements, sa présence physique et, en dernier recours, ses dents. Sachant cela, il est raisonnable de respecter certaines règles pour éviter tout incident. Elles sont inscrites noir sur blanc sur des panneaux dans les alpages où le patou est présent, au départ des sentiers de randonnée.
Voici un rappel des pratiques et gestes responsables pour que chacun puisse profiter au mieux de l'alpage (règles tirées du dépliant « L'alpage – un monde à pâturer des yeux » réalisé en partenariat avec de nombreuses associations et institutions, sous l'égide du Réseau Éducation Environnement 05 et Écrins) :
« Alpage attitude » pour aider le berger dans son travail :
article 1 : prioritaire à la montée comme à la descente, la brebis tu laisseras passer.
article 2 : avec le troupeau et les chiens du berger, distance tu garderas.
article 3 : jamais le troupeau tu ne diviseras.
article 4 : les sentiers, toujours tu emprunteras.
article 5 : ton chien en laisse tu tiendras.
article 6 : la barrière tu refermeras.
article 7 : la tranquillité des êtres vivants tu préserveras.
article 8 : c'est l'article 1 qui l'emporte sur l'article 4.
À bons marcheurs (et autres bipèdes des alpages), salut !
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