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mercredi 17 septembre 2014

Bergers: une vie bouleversée par l'arrivée des loups

Bergers: une vie bouleversée par l'arrivée des loups - Sciences et Avenir

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Bergers: une vie bouleversée par l'arrivée des loups

Un loup photographié à Saint-Martin-de-Vésubie, dans le parc national du Mercantour, le 13 novembre 2012
(c) AfpUn loup photographié à Saint-Martin-de-Vésubie, dans le parc national du Mercantour, le 13 novembre 2012 (c) Afp
Glandaje (France) (AFP) - "Le loup attaque la nuit comme le jour, parfois on se lève plusieurs fois par nuit, après on en parle le matin, le soir, on ne fait plus que ça et ça nous bouffe la vie", raconte Claire Giordan, une bergère qui a perdu cette année 30 brebis sur un troupeau de 900 bêtes.
"Mon mari est très affecté par les brebis tuées, il se renferme, moi je ne peux plus garder les bêtes en alpage seule avec mes deux filles, le loup a tout désorganisé", explique cette trentenaire, qui passe plusieurs mois de l'année en estive au sein du parc national du Mercantour (Alpes-Maritimes) où le prédateur, venu d'Italie, est réapparu au début des années 90.
Lors d'une rencontre organisée cette semaine à Glandaje (Drôme) par la Confédération paysanne, plusieurs éleveurs ont témoigné d'un quotidien transformé par la présence du loup, mais aussi de leurs difficultés à envisager un avenir à leur activité "face à un animal qui s'adapte en permanence".
Le syndicat agricole, ancré à gauche et actif sur de nombreux dossiers environnementaux (pesticides, OGM, agriculture intensive, etc..), assume désormais une position qui l'oppose aux Verts et aux associations, partisans indéfectibles de cette espèce protégée.
"Le loup s'est tellement adapté aux mesures de protection que la Confédération a aussi évolué", résume son porte-parole Laurent Pinatel, favorable à un vrai plan de régulation de l'espèce, avec des piégeages de meutes.
Au fur et à mesure que le loup se reproduit (environ 300 individus dans l'Hexagone) et s'aventure sur de nouveaux terrains (une trentaine de départements), les éleveurs prennent des mesures de protection, en bonne partie financées par l'Etat ou l'Union européenne.
Ces mesures (regroupement nocturne, filets électrifiés, chiens de garde, présence d'un berger) ont une certaine efficacité, mais "elles n'empêchent pas totalement les attaques", explique Thomas Vernay, ex-éleveur, chargé du dossier à la Confédération paysanne.
Ce trentenaire s'est installé en 2005 à Glandaje, au dessus de Die, avec un troupeau de 150 chèvres cachemire. Avec deux autres éleveurs, il a connu une première attaque en 2010. Malgré les parcs nocturnes et des chiens de protection, "la meute ne nous a plus lâchés", assure le jeune homme qui revendique une sensibilité écolo.
- 'on ne voulait plus vivre ça' -
L'organisation des journées a changé. Regrouper les animaux, qui pâturent parfois loin des villages, s'est fait "au détriment des foins, de la culture de céréales, de la vente directe", détaille-t-il.
Compter les bêtes est devenu pour lui une obsession. Certaines réussissaient parfois à sortir de l'enclos nocturne. Puis le loup a peu à peu appris à franchir les clôtures. "Après une attaque, on s'épuisait à chercher les bêtes, vivantes ou mortes, car on a que 48 heures pour faire la déclaration et de toute façon, les vautours arrivent rapidement", raconte-t-il.
Les attaques se sont renouvelées, parfois à 200 mètres du village. En 2012, Thomas et sa compagne ont finalement lâché l'affaire: "on ne voulait plus vivre ça et on s'est dit qu'on n'était pas là pour nourrir le loup".
Son voisin, Philippe Faure, toujours en activité, confie: "il y a un surcoût de travail, et au final ça ne marche pas, c'est insupportable".
Le village d'une centaine de personnes, en bout de vallée, est passé de 7 à 4 éleveurs.
Dans le Valgaudemar (Hautes-Alpes), au coeur du massif des Ecrins, le loup a surgi pour la première fois début juillet. Le troupeau gardé par Alain Barban, 55 ans, a subi trois attaques coup sur coup. Bilan: 23 brebis tuées, 19 disparues.
"Après l'attaque, c'est la désolation dans le troupeau, les brebis sont nerveuses, mangent moins. Maintenant j'ai peur pour elles (...) je ne suis pas chasseur mais je prends un fusil, au cas où", glisse-t-il.
Quant au regroupement nocturne, "il faut être franc, ce n'est pas possible partout. Et les jours de brouillard, comment fait-on?", interroge-t-il.

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