Mis à jour le 17/04/2017 à 22H09, publié le 14/04/2017 à 12H00
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Le mouton, nouvel emblème de résistance aux rouleaux compresseurs administratifs? Oui! Car loin de se résumer à de paisibles créatures qui broutent de l’herbe, leur potentiel de contestation citoyenne est redoutable!
Ce week-end avait lieu l’Assemblée Générale de l’Association du Mouton Avranchin. Nous étions une vingtaine d’éleveurs à nous réunir pour travailler sur les projets de relance de notre race menacée.
La vie associative tient une grande importance en milieu rural. D’abord parce qu’il s’agit souvent de territoires peu urbanisés et parfois oubliés, et aussi parce que les associations sont le contrepoids nécessaire des institutions officielles. Je pense par exemple aux Comités des Fêtes et initiatives locales qui nourrissent la vie culturelle et touristique, parallèlement à la lourdeur d’un Office du Tourisme et sa politique parfois standardisée. Et encore plus aux associations agricoles, afin de ne pas laisser les Chambres d’Agriculture (dirigées par les syndicats) ou le Ministère de l’Agriculture (l’Etat) chapeauter les évènements agricoles!
D’autant qu’en milieu rural, il est aisé de faire vivre une association: on peut dégoter des petits budgets de fonctionnement, les élus sont accessibles et nous prêtent facilement des moyens techniques. Une facilité de mise en œuvre qui renforce l’envie de s’impliquer!
La vie associative tient une grande importance en milieu rural. D’abord parce qu’il s’agit souvent de territoires peu urbanisés et parfois oubliés, et aussi parce que les associations sont le contrepoids nécessaire des institutions officielles. Je pense par exemple aux Comités des Fêtes et initiatives locales qui nourrissent la vie culturelle et touristique, parallèlement à la lourdeur d’un Office du Tourisme et sa politique parfois standardisée. Et encore plus aux associations agricoles, afin de ne pas laisser les Chambres d’Agriculture (dirigées par les syndicats) ou le Ministère de l’Agriculture (l’Etat) chapeauter les évènements agricoles!
D’autant qu’en milieu rural, il est aisé de faire vivre une association: on peut dégoter des petits budgets de fonctionnement, les élus sont accessibles et nous prêtent facilement des moyens techniques. Une facilité de mise en œuvre qui renforce l’envie de s’impliquer!
© Claude Hubert
Notre association moutonnesque se réunissait dans une salle prêtée par la Ville d’Avranches, où s’est ensuivie, après les incontournables bilans moral et financier, une boustifaille collective autour de gigots rôtis par Yves et Roger, éleveurs historiques devenus mascottes de notre nouvelle génération de bergers. A l’ordre du jour: préparer le calendrier des fêtes où nous sommes conviés. Ces manifestations sont des vitrines bienvenues pour exposer nos moutons au public, présenter notre démarche de sauvegarde et permettre aux citadins un peu gauches de découvrir la calinothérapie avec nos pelotes familières comme Chérubin!
© Claude Hubert
Ces fêtes et foires du dimanche, façon Comice Agricole, animaient traditionnellement les territoires. C’étaient des lieux d’échange sociaux et de convivialité forte, où l’on avale des sandwiches-saucisse et des bières dès 8h du matin, en devisant avec des inconnus sur la météo ou la croupe d’un animal. Un charme rétro, compatible avec une modernisation de l’élevage. Lors de notre concours annuel, une graphiste vient désormais sérigraphier en direct des motifs de moutons arty sur nos t-shirts. Les vainqueurs seront ornés de parures créées par une designer textile et une photographe pourra leur tirer le portrait dans son studio mobile, avec photoshopage et tirage instantané.
Mais en quelques années, trouver des éleveurs prêts à exposer des moutons est devenu difficile à cause des règles de plus en plus contraignantes. Cette année, une nouvelle règlementation a encore corsé l’affaire. Nous avons ainsi dû refuser de participer à certaines fêtes terroir auxquelles nous avions l’habitude d’être présents, au motif qu’il n’est administrativement possible à aucun de nos éleveurs d’amener ses moutons dans l’espace public.
Mais en quelques années, trouver des éleveurs prêts à exposer des moutons est devenu difficile à cause des règles de plus en plus contraignantes. Cette année, une nouvelle règlementation a encore corsé l’affaire. Nous avons ainsi dû refuser de participer à certaines fêtes terroir auxquelles nous avions l’habitude d’être présents, au motif qu’il n’est administrativement possible à aucun de nos éleveurs d’amener ses moutons dans l’espace public.
© Stéphanie Maubé
Pour comprendre la noyade administrative, voici un florilège d’obligations quand on possède des moutons (même 5 moutons pour entretenir son jardin). Cet inventaire peut s’allonger selon le département, la saison, la nomination d’un nouveau directeur des services sanitaires, l’interprétation des textes européens par l’agent de contrôle, etc… Un casse-tête qui réussit parfaitement à décourager les particuliers possédant un bout de terrain. Qui souligne à quel point élever 3 brebis peut devenir un acte de haute résistance citoyenne! Et qui explique hélas pourquoi les éleveurs ont tant de difficulté à faire participer leurs moutons à des fêtes et concours.
Pour commencer, il est illégal d’élever secrètement des moutons. Les "détenteurs d’ovins" (selon le terme officiel) ont l’obligation de recenser chaque année leurs brebis et leurs agneaux. L’adresse de la prairie doit aussi être communiquée au Service Identification, qui peut procéder à des contrôles, car les moutons doivent porter deux boucles d’oreille, dont une électronique. Ces boucles montrent les numéros d’identification de l’élevage, sorte de carte d’identité de l’animal.
Pour commencer, il est illégal d’élever secrètement des moutons. Les "détenteurs d’ovins" (selon le terme officiel) ont l’obligation de recenser chaque année leurs brebis et leurs agneaux. L’adresse de la prairie doit aussi être communiquée au Service Identification, qui peut procéder à des contrôles, car les moutons doivent porter deux boucles d’oreille, dont une électronique. Ces boucles montrent les numéros d’identification de l’élevage, sorte de carte d’identité de l’animal.
© Stéphanie Maubé
Si un mouton déménage, même pour aller brouter une autre prairie de sa ferme, son transport doit faire l’objet d’un "bon de circulation" en 5 exemplaires dévoilant toutes les infos: où va-t-il? Qui le transporte? Immatriculation du véhicule? Heure du chargement? Après le transport, ces informations devront être numérisées sur une plate-forme informatique avec code secret, afin d’en informer les services administratifs. Qui factureront à l’éleveur la gestion de ce dossier.
Le transport doit être effectué dans un véhicule certifié conforme et le conducteur détenteur du Certificat d’Aptitude au Transport d’Animaux Vivants. La camionnette de la ferme est bien sûr totalement illégale (pas de ventilation, robinet de purge obligatoire,… ), même pour transporter ses propres animaux dans son propre champ.
Le transport doit être effectué dans un véhicule certifié conforme et le conducteur détenteur du Certificat d’Aptitude au Transport d’Animaux Vivants. La camionnette de la ferme est bien sûr totalement illégale (pas de ventilation, robinet de purge obligatoire,… ), même pour transporter ses propres animaux dans son propre champ.
© Claude Hubert
Certaines maladies sont règlementées, et selon les saisons, des traitements sont obligatoires. Il y a quelques années, des producteurs bio avaient contesté la pertinence du vaccin obligatoire et discutable contre la FCO, qui provoquait de la stérilité chez les moutons adultes et des malformations mortelles chez les agneaux. Ils encouraient plusieurs centaines d’euros de contravention pour chaque animal non-vacciné.
Cette année, la FCO touche le Sud du pays, et puisqu’il faut une zone tampon de sécurité, la France se retrouve divisée entre la Zone Contaminée et la Zone Indemne, frontière qui passe au milieu de notre département! Les éleveurs du Nord Cotentin ne peuvent donc amener d’animaux dans le Sud Manche (et inversement) sans ce vaccin délivré par l’Etat, qui fait l’objet de deux injections à trois semaines d’intervalle, et qui doit être commandé plusieurs mois à l’avance par un vétérinaire référent.
Parmi les maladies règlementées: la brucellose ovine, éradiquée de France depuis 12 ans, mais dont le dépistage est toujours obligatoire. Un éleveur effectue à ses frais des prises de sang sur ses animaux tous les trois ans, et tous les ans s’il possède également une chèvre. Même traitement qu’il ait 5 ou 500 moutons! S’il n’est pas à jour de ce dépistage, il a interdiction de vendre des reproducteurs ou les amener dans des lieux publics. Ces prises de sang sont non seulement coûteuses (elles ne peuvent être faites que par un vétérinaire qui facture son déplacement) mais il arrive que l’émission du certificat sanitaire attestant qu’il est indemne lui soit facturé.
Cette année, la FCO touche le Sud du pays, et puisqu’il faut une zone tampon de sécurité, la France se retrouve divisée entre la Zone Contaminée et la Zone Indemne, frontière qui passe au milieu de notre département! Les éleveurs du Nord Cotentin ne peuvent donc amener d’animaux dans le Sud Manche (et inversement) sans ce vaccin délivré par l’Etat, qui fait l’objet de deux injections à trois semaines d’intervalle, et qui doit être commandé plusieurs mois à l’avance par un vétérinaire référent.
Parmi les maladies règlementées: la brucellose ovine, éradiquée de France depuis 12 ans, mais dont le dépistage est toujours obligatoire. Un éleveur effectue à ses frais des prises de sang sur ses animaux tous les trois ans, et tous les ans s’il possède également une chèvre. Même traitement qu’il ait 5 ou 500 moutons! S’il n’est pas à jour de ce dépistage, il a interdiction de vendre des reproducteurs ou les amener dans des lieux publics. Ces prises de sang sont non seulement coûteuses (elles ne peuvent être faites que par un vétérinaire qui facture son déplacement) mais il arrive que l’émission du certificat sanitaire attestant qu’il est indemne lui soit facturé.
© Claude Hubert
Si l’éleveur envisage de participer à un "rassemblement d’animaux", il doit en faire la demande plusieurs semaines à l’avance au Groupement de Défense Sanitaire et prouver qu’il est en règle avec tout ce qui précède. Comme un éleveur est par nature pauvre et en retard dans sa paperasserie, il parvient rarement à tout combiner. Et comme les représailles peuvent avoir des conséquences graves (convocation par les services administratifs, contrôle de l’élevage, des fraudes, du bouclage, refus de délivrer des autorisations d’exploiter, huissier, pénalités, diminution des primes d’élevage, abattage forcé des animaux, etc), l’éleveur estime plus prudent de ne pas faire caracoler ses moutons sur la place publique. Les fêtes de l’élevage se dérouleront un jour sans éleveurs ni animaux…
© Stéphanie Maubé
Si le paragraphe que vous venez de lire vous a découragé et que vous voulez vous débarrasser des 3 moutons que vous avez acquis pour entretenir votre jardin, sachez que vous n’avez pas le droit de les tuer vous-même. Ils doivent être abattus dans un abattoir agréé, où vous ne pouvez pas les emmener puisque vous n’avez pas de numéro d’identification ni de véhicule aux normes. Les laisser mourir dans votre jardin? Hautement illégal car les cadavres doivent être enlevés par les services d’équarrissage, chez qui vous n’êtes pas répertorié. Et il ne faut pas que la Direction des Services Vétérinaires le sache, ils rédigeraient un rapport de maltraitance animale…
Cette multiplicité de règlements, rarement en phase avec la réalité, émane d’obscurs bureaux remplis d’ingénieurs. Ces contraintes affaiblissent la motivation des éleveurs à partager la passion de leur terroir, à faire connaître ce patrimoine collectif que sont les races locales, ou juste à communiquer de manière festive sur leur métier.
Envie de rébellion? Soyez un contestataire champêtre: élevez des moutons!
Si le paragraphe que vous venez de lire vous a découragé et que vous voulez vous débarrasser des 3 moutons que vous avez acquis pour entretenir votre jardin, sachez que vous n’avez pas le droit de les tuer vous-même. Ils doivent être abattus dans un abattoir agréé, où vous ne pouvez pas les emmener puisque vous n’avez pas de numéro d’identification ni de véhicule aux normes. Les laisser mourir dans votre jardin? Hautement illégal car les cadavres doivent être enlevés par les services d’équarrissage, chez qui vous n’êtes pas répertorié. Et il ne faut pas que la Direction des Services Vétérinaires le sache, ils rédigeraient un rapport de maltraitance animale…
Cette multiplicité de règlements, rarement en phase avec la réalité, émane d’obscurs bureaux remplis d’ingénieurs. Ces contraintes affaiblissent la motivation des éleveurs à partager la passion de leur terroir, à faire connaître ce patrimoine collectif que sont les races locales, ou juste à communiquer de manière festive sur leur métier.
Envie de rébellion? Soyez un contestataire champêtre: élevez des moutons!
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