Lutte à mort entre loups et bergers dans le haut pays grassois
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"Il faut qu'on se fasse une raison: berger, c'est un métier perdu", soupire Bernard Bruno, qui garde son troupeau sur le plateau de Caussols, au nord de Grasse, et qui vient de perdre 13 brebis, dernières victimes en date du loup dans les Alpes-Maritimes.
Une carcasse de brebis éventrée à ses pieds, le quadragénaire dit sa désespérance devant les attaques incessantes contre les troupeaux.
En maintenant le prédateur dans les zones pastorales, "on tue l'élevage ovin extensif, un élevage naturel, plus qu'écologique!", peste cet homme, qui garde des moutons depuis l'âge de 14 ans. "Et pourtant, notre viande de qualité, on l'écoule sans problème!", assure-t-il.
"Je fais partie de la dernière génération de bergers qui travaillent comme ça. Car qui a envie de travailler avec ces conditions, 7 jours sur 7, pour gagner le Smic?", se désole cet homme, par ailleurs président du Syndicat ovin départemental, qui a vu son troupeau de 1.000 bêtes attaqué au moins "17 fois en trois mois" d'estive dans le Mercantour.
Pour lui, ce ne sont pas tant les brebis tuées - dont les propriétaires sont dans la plupart des cas indemnisées par l'Etat - qui le tracassent que "tout le reste". Les troupeaux apeurés, les brebis qui avortent après une attaque, les patous (chiens gardiens de troupeaux) tués - M. Bruno affirme en avoir perdu quatre-, l'obligation de parquer les bêtes, dès la tombée de la nuit, au risque qu'elles prennent froid en piétinant sous la pluie...
Et pour le berger, les bêtes blessées par les loups qu'il faut, la mort dans l'âme, achever au couteau dans les collines; les nuits sans sommeil à tirer des coups de feu en l'air pour effrayer, en vain, les loups aux aguets... "C'est comme si des cambrioleurs étaient constamment autour de votre maison et qu'ils vous dévalisaient dès que vous partez", s'énerve le berger.
"Personne ne veut nous entendre"
Patrick Bruno, berger comme son frère, se veut alarmiste: "Un jour, ça va mal se terminer parce qu'il n'y a personne qui veut nous entendre".
L'oeil rivé sur son troupeau de 400 mérinos d'Arles paissant sur le plateau, à 1.100 mètres d'altitude, André Franca, 60 ans, est catégorique: "On demande à ce que le loup soit exterminé. Il n'est pas compatible avec notre travail. Un loup, c'est ce qu'il y a de pire, c'est trop intelligent!".
Selon Bernard Bruno, la moitié des éleveurs ovins du département ont disparu au cours des 15 dernières années, passant d'environ 200 à une centaine aujourd'hui.
Pour l'association écologiste Ferus, si le loup peut poser "ponctuellement" des difficultés aux éleveurs, il n'est "pas responsable" de leurs problèmes, "bien antérieurs", selon elle, à la présence du canidé sur le territoire français, avérée depuis 1992.
Parmi les douze départements où des attaques de loups ont été constatées, celui des Alpes-Maritimes est l'un des plus touchés. Selon la préfecture, 500 attaques y ont été dénombrées de janvier à septembre, soit 1.600 brebis tuées. A titre de comparaison, 310 attaques avaient été signalées sur toute l'année 2011 (850 brebis tuées).
Les tirs de défense sont autorisés afin d'effrayer le prédateur. Au moins 200 loups sont présents dans l'Hexagone.
Une proposition de loi récemment déposée par Charles-Ange Ginésy, député UMP des Alpes-Maritimes, vise à autoriser les éleveurs à tirer sur les loups menaçant leurs troupeaux, y compris au sein des parcs nationaux. "Parcs de regroupement mobiles électrifiés, parcs de pâturage de protection renforcée, chiens de protection et aide au gardiennage n'ont aucun effet", estime-t-il.
La ministre de l'Ecologie Delphine Batho a promis "l'ouverture d'un processus de concertation dans la perspective d'un nouveau plan national d'action" sur le loup qui succédera en 2013 au plan 2008-2012, visant à protéger le loup tout en limitant son impact sur l'élevage.
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