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Le Nid de Brebis


dimanche 1 mars 2015

Les bergers face à la prédation

Les bergers face à la prédation

Les lignes qui suivent émanent de la Fédération des Associations des Bergères et Bergers de France (FABBF). Ce sont des paroles de bergers salariés et d’éleveurs-bergers, personne ne leur ayant tenu la main pour écrire cette lettre ouverte.
Elles disent la détresse, l’incompréhension, la perte de confiance, l'absence de considération, les critiques injustifiées, face à la situation vécue en présence de grands prédateurs : loups et ours.
Une fois encore, elles alertent sur le fait que certains commencent à déserter les montagnes et d'autres milieux naturels qui, par conséquent, se dégradent.
Mais plus que tout, elles demandent que soient enfin reconnus et entendus à tous les niveaux ceux qui côtoient les grands prédateurs, au quotidien.
La FABBF rassemble des professionnels issus du Jura, des Alpes, de Provence et des Pyrénées.
Ce sont des bergers et des vachers qui, toute l'année, assurent la bonne alimentation, santé et reproduction des troupeaux, en parc ou en gardiennage permanent. Par le pâturage, ils assurent le bon entretien des pelouses, landes et pré-bois, ce qui a été encouragé par des générations de mesures agro-environnementales.
Par leur activité, les bergers et éleveurs-bergers garantissent aussi la production d'une viande, de lait et fromages de qualité pour vous tous qui êtes consommateurs.
Sur l’ensemble des massifs, nous constatons qu'il y a une forte augmentation des loups, suivie d’une augmentation de la prédation. Ceci en raison d’un changement de leur comportement, mais aussi du fait que les mesures de protection ne sont pas adaptées à la réalité du terrain. En temps normal, être berger, sait travailler seul, résoudre seul les difficultés. Mais dans un contexte de prédation récurrente, la pression, la peur pour soi, pour les bêtes, rend la situation intenable, tant pour le mental que pour le physique, au point que certains ne veulent plus la vivre. Plus grave encore, des bergers expérimentés, garants de la transmission des compétences, abandonnent le métier.
Il faut dire qu’être berger dans ce contexte, c'est devenu : compter les cadavres quasiment tous les jours, chercher et découvrir des bêtes blessées, être obligé d'en euthanasier certaines pour abréger leurs souffrances, participer aux constats d’attaques, transporter les cadavres, le tout dans le temps légal du travail, en plus du travail « normal ».
Garder en présence de loups, mais aussi des ours, c'est un surcroît de travail, une situation de stress, mais aussi un sentiment récurrent d'échec et de culpabilité. Nous n’arrivons plus à faire ce pourquoi nous sommes là, et cela remet en cause non seulement notre utilité, mais aussi notre propre raison d’être. De plus, le regard des autres usagers change radicalement lorsque, confrontés à nos chiens de protection, ils sont priés de nous éviter.
Notre sentiment est accentué par les critiques formulées à notre encontre, qui se résument par : « Si vous gardiez et protégiez correctement vos troupeaux, cela n’arriverait pas ! ».
Autrement dit, « Si tu as de la prédation, c’est que tu es un mauvais berger ! ».
Nous entendons ces critiques dans les médias, dans les villes et les villages, mais aussi et de plus en plus souvent jusqu’en montagne, à la porte de nos cabanes. A cela s'ajoutent les propos anonymes, insultants et souvent diffamatoires, circulant en boucle sur les réseaux internet.
Or, les bergers sont des professionnels. Ils connaissent leur travail et gèrent au mieux le troupeau en
fonction des espaces, de l’herbe, de la météo... En montagne, alors même qu’ils sont ceux qui connaissent le mieux les différents lieux, et qu’ils sont aussi les seuls professionnels constamment présents sur ces lieux, jour et nuit et par tous les temps, ils ne sont pas directement informés de la présence des prédateurs lorsque ceux-ci arrivent sur leur secteur, alors que les administrations sont tenues au courant. De même, en cours de saison, ils sont laissés dans l'ignorance au sujet des évolutions de massifs ou de secteurs sujets à la prédation.
Le rôle du berger est central pour les milieux qu'il utilise du fait de son travail d'observation du troupeau et de l’environnement dans lequel celui-ci évolue. Le pastoralisme permet d’accueillir une large diversité d’espèces de faune et de flore sauvages, ce à quoi nous sommes particulièrement attachés. C’est une des raisons pour lesquelles nous sommes venus à ce métier. Aussi, nous ne pouvons accepter que certains secteurs soient condamnés à l’abandon, avec toutes les conséquences induites : enfrichement et boisement des paysages, perte brutale de biodiversité et augmentation des risques de feux et d’avalanches.
Nous sommes également préoccupés par les conséquences d'avoir à tenir nos troupeaux le plus loin possible des zones préférentielles d'attaques : lisières de forêts et espaces embroussaillés. Ceci nous oblige à resserrer le pâturage en zones de bonne visibilité, avec à la clef un gros risque de surpâturage et d'érosion des sols. Ce changement de pratiques, avec abandon ou rétrécissement de l'espace utilisable a des incidences négatives sur l'état des troupeaux : qualité de l'alimentation, stress, état sanitaire, boiteries, avortements, perte d'état corporel.... Ainsi, nous ne comprenons pas que la surprotection de certaines espèces, loups et ours, se déroule au détriment d’autres espèces qui mériteraient tout autant attention et bienveillance.
Nous, bergers et éleveur-bergers, que nous ayons à travailler ou non en zone de prédation, nous nous sentons tous concernés. Tous, nous aimons les bêtes. Tous, nous aimons la nature.
Il ne s’agit absolument pas de demander une indemnisation de plus. Nous ne réclamons pas d'argent. Ce que nous voulons, c’est :
  • –  Soutenir tous les bergers et éleveurs déjà ou prochainement concernés par la prédation ;
  • –  Faire connaître et apprécier notre activité comme un métier technique et digne de
    considération ;
  • –  Être écoutés comme acteurs principaux sur les espaces pastoraux;
  • –  Être présents dans les commissions traitant de la prédation, au niveau national mais aussi
    dans tous les départements concernés ;
  • –  Travailler à une gestion plus intelligente, rapide et efficace des prédateurs lorsqu’ils
    s'attaquent à nos troupeaux.
    Avec nos remerciements.
  •  
  • Contact : La Fédération des Associations des Bergères et Bergers de France(Membres :Association des Bergers de l'Isère, Association des Bergers du Jura, Association des Bergères et Bergers de Provence et des Alpes du Sud, Association des Pâtres de Haute Montagne)
    Siège social : chez Eric Berthomieu, place d' In Pujol, 09310 Larcat
    Contact pour région PACA : Antoine Legal, 06/72/86/09/40, Lou nid, quartier des bastides, 84800 Fontaine de Vaucluse. Anne Grosbois, 06/33/54/01/47

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