« Comment être éleveur, dire aimer ses animaux, tout en les amenant vers la consommation humaine ».
J'’entends de plus en plus de discours prônant le végétarisme voire le végétalisme, points de vue que je respecte. Ce que je ressens aussi souvent, et c’est là que cela me dérange, c’est une volonté de certains d’abolir purement tout élevage à des fins alimentaires. Le terreau de développement de ces idées semble être d’une part la barbarie des élevages modernes qui considèrent les animaux comme des machines à produire dénuées de toute conscience, et d’autre part, je crois, une certaine vision de la vie et de la mort…
Je veux croire que les difficultés de l’agriculture moderne sont une belle occasion de construire quelque chose de plus humain.
J’aimerais parler de l’élevage que je pratique sur ma ferme et auquel je tiens.
Je suis éleveur, c’est un mot lourd de sens et de responsabilité. J’élève des brebis, des vaches, et il y a aussi des chèvres sur la ferme, ainsi que des poules, des chiens, des chats. Mon souci quotidien est que mes animaux se sentent bien dans leur vie, soient en bonne santé et que je sois en mesure de leur donner chaque jour tout ce dont ils ont besoin en qualité et en quantité. C’est une attention de chaque instant. Je peux dire que j’aime profondément mes animaux. Ma vie, celle de ma famille et leur vie sont profondément liées. Et pourtant, en conscience, je destine certains de mes animaux à notre alimentation, votre alimentation (pour ceux qui mangent de la viande…), et ainsi j’écourte leur vie. Comment est-ce possible ?
Après la mort…
Certains croient au Paradis, beaucoup de gens n’y croient plus et ne croient d’ailleurs plus à rien. La mort est donc pour eux une fin définitive. Pour ceux-là, si par anthropomorphisme ils pensent que la brebis a la même vision de la mort qu’eux, je comprends soit qu’ils arrêtent de consommer de la viande, soit s’ils n’y arrivent pas, qu’ils le vivent mal.
Anthropomorphisme :
Est-on sûr que nos peurs et nos angoisses soient les mêmes chez nos animaux domestiques, ou ont-ils les leurs ?
Prendre le temps de les observer, me fait de plus en plus penser qu’ils ont les leurs.
La vie la mort, la mort la vie.
Pour moi la mort n’est pas une fin, c’est le début de quelque chose de nouveau. Partout autour de nous dans notre environnement, la mort nourrit la vie, la bactérie décompose la matière organique morte qui nourrit la plante qui à son tour nourrira l’homme ou l’animal, et il en est ainsi depuis le début. En cela, j’accepte la mort pour nourrir la vie. Au sens global du terme, s’il n’y a pas de mort, il n’y a pas de vie. J’ose même franchir le pas et me dire qu’il y a une vie après la mort.
Je crois en la Vie. En cela je sais Ô combien la vie d’un être vivant est précieuse. Enlever la vie n’est pas anodin, et doit être fait en conscience.
Je ne veux plus amener mes bêtes à l’abattoir.
L’abattage des animaux se fait dans des structures de plus en plus grosses, ou des gens travaillent toute la journée à donner la mort. C’est inhumain, et ça ne peut que conduire à de la maltraitance animale. Je ne veux plus amener mes animaux dans ces structures. Je veux qu’on nous autorise, nous éleveurs à prendre en charge l’abattage de nos animaux sur nos fermes. Les faire mourir là où ils sont nés, là où ils ont vécu, là où ils se sentent bien.
De l’interdépendance entre Homme, animaux et plante domestiques.
L’homme sédentarisé a souhaité s’assurer une alimentation diversifiée à portée de mains. Il a domestiqué des animaux et des plantes. Il a construit un système vivrier dans lequel chaque espèce a sa place et se complète. Les plantes domestiques ne poussent pas si bien sans un apport animal, et n’existeraient plus sans l’homme ; l’animal domestique ne vit pas sans un apport végétal apporté par l’homme et sans sa protection ; et aujourd’hui l’homme ne saurait plus se nourrir de cueillette et de chasse.
Mangez en conscience.
Ce texte a été rédigé par un éleveur de l’Ardèche, nous le remercions.
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