Eleveur de moutons à Saint-Jean-d’Aulps, Claude Cottet vient de perdre son troupeau après avoir tenu tête à la police et à la justice pendant plus de dix ans. Entretien avec un résistant.
Depuis qu’on lui a offert un agneau pour sa communion solennelle, en 1958, Claude Cottet-Puinel a toujours vécu entouré de moutons. Mais depuis un mois, c’est terminé pour ce jeune septuagénaire : son troupeau a été réquisitionné. Le berger de Saint-Jean-d’Aulps a vu partir ses brebis, lui qui tenait pourtant bon, coûte que coûte, depuis plus dix ans qu’on l’avait sommé de se séparer de ses bêtes et de prendre sa retraite. La justice et les gendarmes ont eu raison d’un irréductible Savoisien qui refusait de quitter son alpage. Quitte à se barricader et à tenir un siège dans sa bergerie, armé de son opinel, pour empêcher les forces de l’ordre de saisir les brebis de cet agriculteur mis en liquidation judiciaire en 2001. Alors que son troupeau a finalement été vendu – ou plutôt bradé – aux enchères le 24 juillet dernier (voir cet article du Messager), le berger chablaisien est aujourd’hui dans La Voix pour livrer sa version des faits.
Claude Cottet-Puinel, que vous est-il arrivé le mois dernier ?
Le 4 juillet, toute une brigade de gendarmerie est venue saisir mon troupeau dans mes pâtures. Je faisais mon tour comme tous les jours, et ils me sont tombés dessus.
On a pu lire que vous les aviez accueillis avec un fusil.
Depuis ce printemps, j’ai eu des problèmes avec des renards et des chiens errants qui m’ont tué des agneaux. Donc comme d’habitude, j’avais ma vieille carabine à l’épaule. C’est un outil de travail, sans plus. Mais elle n’a pas bougé de mon épaule, et je n’avais même pas de cartouche dans le canon.
Pourquoi a-t-on saisi votre troupeau ?
Je ne sais pas… Enfin, ils étaient déjà venus dix jours plus tôt pour le chercher. Et je leur avais dit que s’ils faisaient ça, il y aurait du grabuge. Du coup, ils étaient repartis. Mais en fait, il y a longtemps qu’ils voulaient me prendre mon troupeau.
Il faut dire que votre exploitation a été mise en liquidation judiciaire en 2001.
Oui, et le troupeau faisait évidemment parti de l’actif. Mais on m’a foutu la paix pendant dix ans. L’affaire s’est réveillée en 2010.
Comment vous êtes-vous retrouvé en liquidation ?
Cela remonte à 1999, quand l’administration m’a cassé les reins. A l’époque, je pense qu’on m’a fait payer mon engagement syndical, car j’ai présidé pendant près de vingt ans le syndicat départemental des éleveurs ovins. Et du jour au lendemain, j’ai été mis hors circuit. Je n’ai plus touché un centime de prime. J’ai alors été obligé de vendre en catastrophe un hectare de terre pour alimenter mes bêtes. Je n’ai jamais voulu baisser les bras.
Pour quelle raison vous a-t-on supprimé ces aides ?
On est obligé d’adhérer à la Mutuelle sociale agricole (MSA), qui, selon moi, nous rançonne. Pour toucher les primes, il faut être à jour de cotisations, ce qui n’était pas vraiment mon cas. On m’a donc fait sauté deux ans de primes compensatoires. Je n’ai pas accepté et j’ai réussi à me mettre en ordre avec la MSA pour les récupérer. Sauf qu’ensuite on m’a tout coupé, alors que j’avais un investissement important à faire pour une bergerie, et bien du mal à me remettre d’un impayé de 160 000 francs. J’ai déposé un dossier d’agriculteur en difficulté devant la commission départementale d’organisation de l’agriculture, un organisme qui, à ma connaissance, n’a pas de statut légal. Il semble pourtant disposer d’un droit de vie ou de mort sur les agriculteurs. Et on m’a demandé d’arrêter mon activité. Mais je suis têtu et j’ai continué, envers et contre tous.
En fait, vous avez été invité à prendre une pré-retraite.
Il fallait que je vende mon troupeau et que je demande une pré-retraite, à 56 ans. J’avais encore 600 brebis, et c’était alors bien plus difficile à vendre qu’aujourd’hui. Et puis je n’aurais touché que 3000 francs par mois. Juste avant cela, la pré-retraite était à 5000 francs, une somme qui m’aurait conduit à examiner cette possibilité. Mais comment vivre avec 3000 francs ? J’ai donc refusé et ai continué mon activité, même après que la MSA m’a fait mettre en liquidation en 2001, alors que je ne leur devais que trois fois rien. En 2006, ma sœur s’est occupée de m’obtenir une retraite. Tout en continuant l’élevage, je touchais donc 460 euros par mois, somme qui a augmenté jusqu’à 600 euros en 2010, quand on m’a tout supprimé car j’avais toujours un troupeau. Depuis, je survis avec le RSA, alors que la lecture du livre de Martin Hirsh m’a montré qu’il n’avait pas été créé pour des gens qui ont cotisé 40 ans. Et la procédure de liquidation a été relancée.
On vous a donc interdit d’être à la retraite et de conserver une activité professionnelle. C’est pourtant généralement permis. Est-ce une particularité du régime des agriculteurs ?
Je ne sais pas, il y a des choses que je ne comprends pas. En 2011, j’ai reçu un médiateur pénal envoyé par le procureur. Eh bien c’était un lieutenant colonel de gendarmerie à la retraite, qui m’a dit ne pas toucher assez et avoir donc besoin de cette activité. Il était très étonné de se retrouver face à un type comme moi, car il croyait que j’étais un terroriste en puissance. Il m’a proposé de me laisser quatre brebis, pour le côté sentimental, et de saisir le reste du troupeau. Les transporteurs attendaient déjà les moutons, mais je lui ai répondu : pas question, je préfère aller à l’affrontement.
Qu’est-ce qui a selon vous relancé cette histoire de liquidation en sommeil depuis 2001 ?
Je crois que la municipalité de Saint-Jean d’Aulps a jeté son dévolu sur le terrain de ma bergerie. Et pour l’obtenir, on m’a fait passer pour le serial killer de la vallée.
Vous êtes en tout cas connu pour avoir tenu un siège l’année dernière, alors que votre troupeau devait déjà être vendu aux enchères (voir ce reportage de 8 Mont Blanc).
Le 19 mars 2012, une vente devait en effet avoir lieu, après que les acheteurs potentiels viennent visiter le troupeau. Je me suis barricadé à l’intérieur de la bergerie et n’ai laissé personne le voir, donc la vente a été annulée. On a affirmé que j’avais un fusil, mais il n’était même pas dans la bergerie. En revanche, dehors, on aurait dit qu’ils se préparaient à un assaut en règle. De la flicaille en tenue de combat cernait la bergerie. Un copain, qui se rappelait que le 19 mars 1962 était la date de la fin de la guerre d’Algérie, leur a dit : « Eh, les gars, la guerre est finie ! »
Finalement, on vous a encore laissé tranquille ce jour-là.
Oui, jusqu’au 17 septembre 2012. J’étais en montagne avec mes bêtes, et on m’a dit de descendre à la gendarmerie. Arrivé en bas, on m’a mis en garde-à-vue, 24 heures renouvelable. J’ai été embarqué à Thonon, toutes sirènes hurlantes, pour aller voir un psychiatre, au demeurant très sympathique. Ensuite, je suis parti pour l’hôpital afin de déterminer si j’étais en état de supporter une garde-à-vue.
Pour quel motif ?
Aucun, si ce n’est que je n’ai plus le droit d’avoir des bêtes. Mais j’ai dit aux gendarmes qu’ils n’avaient, eux, rien à faire sur le territoire de Savoie ! D’ailleurs, en septembre 2010, j’avais écrit à Bruno le Maire, alors ministre de l’Agriculture, en lui renvoyant mon diplôme du mérite agricole et en disant que si je n’étais pas rétabli dans mon honneur, je brûlerais le drapeau français devant ma bergerie. Bon, je ne l’ai pas encore fait…
Comment s’est terminée la garde-à-vue ?
On m’a relâché le lendemain, en me disant que je serai convoqué au tribunal, le 22 janvier 2013. Ce jour-là, j’ai eu un problème de santé et n’ai pas pu y aller. En plus, je pensais que si j’y allais, ils me mettraient en taule. Et j’ai été condamné à un an de prison ferme.
Condamné pour quoi ?
Maltraitance à animaux.
Certaines de vos brebis auraient été retrouvées mortes. Et vos bêtes ne seraient ni vaccinées, ni tatouées.
La vaccination n’est pas obligatoire, et il n’y a pas que mes brebis qui ne sont pas identifiées par le système qui impose de les pucer, ce que je refuse. Alors mon troupeau n’est certes pas aussi bien tenu qu’autrefois, il n’y a pas eu de prises de sang depuis un bout de temps, mais quand les services vétérinaires sont venus, ils ont trouvé que les bêtes allaient bien. Après, ça arrive qu’il y ait quelques morts, mais cela n’a rien d’exceptionnel. D’ailleurs, j’ai eu des pertes après qu’on m’a coupé l’eau à de nombreuses reprises sur mon pâturage. Encore un sale coup ! Mais j’ai fait appel de cette condamnation, et le 18 avril, la Cour de Chambéry l’a ramenée à 3 mois avec sursis. En me donnant un mois pour vendre le troupeau. J’ai alors trouvé un acheteur à un prix correct, mais on lui a dit que s’il achetait mon troupeau, on irait le saisir, car il appartenait au procureur et pas à moi.
Parce que vous avez des dettes.
Je n’ai surtout plus que mes yeux pour pleurer.
Une vente aux enchères a eu lieu le 24 juillet dernier à Thonon, et vous avez voulu vous y rendre. Mais là, la police vous attendait.
J’ai reçu un courrier du commissaire-priseur m’informant de la vente. Alors je suis allé sur place avec un ami, en me disant que je pourrais peut-être faire une enchère de dix euros, juste pour rire. A peine arrivée sur le parking, la voiture a été encerclée par la police pour un contrôle d’identité. On a été plaqués sur le véhicule, fouillés et mon copain a essayé de se débattre. Résultat, il s’est retrouvé menotté. Il a eu un cancer de la gorge et a des problèmes pour respirer. J’ai cru qu’il allait se trouver mal. Moi, comme tout bon Savoyard, j’avais un opinel que je venais d’acheter, car on m’en avait déjà saisi un, et ce couteau me sert à longueur de journée. Mais là, je ne l’ai pas gardé 24h.
On a parlé de couteaux à cran d’arrêt.
Mon ami en avait un tout petit, dont il se sert aussi tout le temps pour faire des trous dans l’amas de pansements qui lui entoure la gorge, afin de s’aérer un peu. Quant à moi, mon opinel a bien sûr une virole qui empêche la lame de se replier… Au commissariat, après nous avoir pris les empreintes et de l’ADN, on m’a demandé si j’acceptais qu’il soit détruit. J’ai dit : pas question ! J’ai ensuite été reconvoqué le 1er août. Je ne savais pas pourquoi on m’avait demandé de revenir, mais c’était pour l’opinel ! J’ai cru qu’on allait me le rendre, mais pas du tout. C’était juste pour me notifier qu’il s’agissait d’une arme de sixième catégorie, désormais sous-scellés.
En tout cas, le troupeau a cette fois été vendu.
Oui, pour 8800 euros, soit 40 euros la bête, alors que j’avais des acheteurs à 150 euros. C’est vraiment une monstre magouille cette histoire.
De quoi susciter chez vous une rancœur contre la France ? A la sortie du commissariat, vous avez d’ailleurs arboré un t shirt où était inscrit Savoie libre, et des indépendantistes étaient là pour vous soutenir.
J’ai toujours revendiqué mon appartenance à la République de Savoie, et pas à la République française. Ce t shirt, je l’avais fait la veille, pour m’amuser un peu. Mais maintenant, vu que je n’ai plus de moutons à m’occuper, c’est sûr que je vais me consacrer à fond au combat savoisien. Tant qu’on me prêtera vie.
Entretien : Brice Perrier
Cette histoire là hélas ,n'est pas un cas isolé , loin s'en faut.....celle ci a été médiatisée ,sur-médiatisée même.
Mais cela prouve à quel point les administrations telles que la MSA Chambres d'Agriculture ,DDAF etc ont un réel pouvoir de vie et de mort sur nos fermes et nos animaux ,entraînant par là même des suicides chez les éleveurs confrontés à la vente forcée de leurs bêtes , bradées et parfois même conduites à l'abattoir pour des raisons telles que le non bouclage électronique ..........
Avec le système de primes aux exploitations et à l'élevage , instauré depuis bientôt 35 ans , on nous tient au chantage , par la gorge.....Si on obéit pas à la dictature franco-européenne agricole ,paiements des cotisations MSA en premier lieu etc , mises aux normes ,puçage obligatoire des animaux ,vaccinations dangereuses ,inutiles mais obligatoires......plus de primes !!!!!
En supprimant le versement des primes on nous coupe donc quasiment toute source de revenus indispensables , et par la suite on se retrouve donc en situation d'impayés qui se multiplient ,puis de dépôt de bilan ,liquidation etc.....
C'est VOULU !!!!!
Depuis fort longtemps les administrations en question décident dans notre dos et à notre insus , de qui a le droit de s'installer ,qui pourra continuer etc.....Donc en quelque sorte , si on ne se trouve pas sur la "bonne liste" tôt ou tard c'est l'extermination par tout les moyens possibles y compris crapuleux voire criminels .
Comme pour cet éleveur ,lui supprimer ses primes , donc pour lui ,ne plus pouvoir acheter de quoi nourrir ses animaux , ce qui entraîne inévitablement un mauvais état de santé pour les bêtes et une surmortalité évidente et compréhensible !
Cependant ceux qui décident de cette mise à mort programmée d'un élevage , ne se contentent pas de ça !!!!
Ils viennent ensuite chez vous , faire un constat sur l'état des animaux et vous assignent au tribunal pour maltraitance ,cruauté envers les animaux et j'en passe.......
De victime ,on se retrouve vite dans la catégorie ,criminels , et si on demande par voie judiciaire de l'aide ,en tant que victime de ce système ,on ressort du tribunal coupable et condamné !!!!!!!
J'invite par cet article ,tous ceux qui ont vécu ce genre de situation ,ou qui en sont actuellement victimes ,de se manifester !!!
Ce blog est conçu pour ça .
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