Au Nid de Brebis

Le Nid de Brebis


mercredi 25 mai 2016

Le pastoralisme, côte que côte - Libération

Le pastoralisme, côte que côte - Libération

Le pastoralisme, côte que côte

Par  — 20 mai 2016 à 09:28
Le pastoralisme, côte que côte
Le pastoralisme, côte que côte François Magne / Flickr

Veaux, vaches et moutons cheminent aux côtés des randonneurs sur les hauts pâturages des Pyrénées.

Se retrouver nez à nez avec une vache au détour d’un sentier ou voir déferler l’onde blanche de centaines de brebis sur des reliefs: rien de bien surprenant. Des troupeaux de ruminants fréquentent les prairies d’altitude des Pyrénées depuis bien plus longtemps que les randonneurs. Le pastoralisme est d’ailleurs plus présent ici que dans les autres massifs français. Et qu'on les appelle cayolars, olha ou cuyalaa, les cabanes traditionnelles des bergers, en pierre, s’égrainent pas milliers dans les replis de la montagne.
Le pastoralisme? «Une activité d’élevage extensif qui exploite une végétation spontanée et saisonnière», précise Didier Buffière, directeur du Centre de ressources sur le pastoralisme et la gestion de l’espace des Hautes-Pyrénées. Elle repose sur la transhumance, quand les troupeaux convergent vers des estives à plus de 1500 mètres, entre fin mai et fin octobre selon l’altitude, pour se délecter d’un fourrage de qualité.
Environ 600 000 ovins et 100000 bovins font la balade dans tout le massif. Oubliez toutefois l’image des périples au long cours de bergers accompagnant les troupeaux vers les sommets. La plupart des transhumances s’effectuent désormais en camion sauf pour celles «de proximité» où les éleveurs des vallées conduisent leurs bêtes vers les pâturages proches. Les troupeaux ne sont pas toujours gardés non plus. Sauf dans les Pyrénées-Atlantiques où domine l’élevage des brebis laitières: leur traite matin et soir exige la présence d’un berger.
Ailleurs, les éleveurs n’ont pas toujours les moyens de s’attacher les services d’un garde-troupeau qu’il faut décemment loger en altitude. Pourtant, le berger permettrait de prévenir les attaques d’ours, réintroduits dans les Pyrénées à la fin de années 1990. «L’ours est une menace difficile à gérer, nuance Didier Buffière. S’il ne peut pas attaquer un troupeau, il se reporte sur un autre. Il peut parcourir 50 kilomètres en une nuit. Le pastoralisme est surtout menacé par les difficultés de renouvellement des générations d’éleveurs». Sauf dans les Pyrénées-Atlantiques, encore, où le marché porteur de la fabrication de fromages, avec en vedette l’Ossau-Iraty, attire toujours les jeunes.

A voir

Du 20 au 22 juillet 2016, la transhumance de la Bernatoire. Près de 1000 vaches espagnoles franchissent la frontière, dans la pure tradition des accords transfrontaliers régissant les estives des Pyrénées.
Florence DONNAREL

Des brebis et des hommes

Des brebis et des hommes

Des bergers passionnés racontent la vie dans les alpages et un élevage à visage humain.

C’est un déjeuner virtuel qui pourrait avoirlieu dans les alpages, avec le troupeau alentour, dans le bruit des sonnailles. Du jambon de la ferme, un morceau de fromage sec, le pain de la semaine et l’eau du torrent. Ils s’appellent Rémi, Victor, Sylvain, Jean-Pierre ou Maurice. Ils sont une dizaine – bergers salariés ou bergers éleveurs propriétaires de leurs bêtes. Des taiseux qui parlent rarement de leur métier, encore moins d’eux-mêmes et de leurs brebis. Michel Meuret, directeur de recherche à l’INRA, et Vinciane Despret, maître de conférences en philosophie à l’Université de Liège, sont allés les écouter et nous rapportent leurs paroles – brut de décoffrage – dans un petit ouvrage qui nous fait pénétrer au cœur du troupeau, Composer avec les moutons(éd. Cardère, 150 p., 12 euros).

La plupart ont connu d’autres emplois salariés avant de choisir d’être berger par passion, « à la garde » de ces animaux trop souvent présentés comme stupides. Ils préfèrent dire « mal élevés ». Tels ces troupeaux qui leur sont confiés le temps d’une transhumance, qui n’ont jamais vu le chien ni les collines, gardés et nourris en prés clôturés par des éleveurs avant tout soucieux de rentabilité. « Pour te donner un exemple, je sais que pour changer de pré, les éleveurs le font avec un camion ! Ils rentrent le camion dans le pré, ils baissent le pont, les brebis montent, ils font un kilomètre et hop quand le pré est fini, ils reviennent avec le camion et ainsi de suite. Moi, j’ai vu, au début, quand j’arrivais avec ma voiture et que je rentrais dans le parc pour amener de l’eau, les brebis s’agglutiner autour parce qu’elles croyaient que j’allais les rentrer dans la voiturepour les changer de parc. Impressionnant »,témoigne Victor.
« LES BREBIS SE FONT À TA DÉGAINE, À TA VOIX, À TES CHIENS, LES ODEURS, LA MANIÈRE DE FAIRE, LES GESTES. ELLES ONT COMPRIS : ÇA C’EST NOTRE BERGER ! » SYLVAIN, BERGER
Alors ils doivent composer,apprendre à les connaître, les observer, leur parler. La nuit, équipé de sa lampe frontale, Sylvain va parfois les voir« Je parle, je chante et je marche doucement avec mes chiens aux pieds, je fais le tour du parc, 15 ou 20 fois s’il le faut. Et je me présente, salut les filles ! Moi c’est Sylvain. Là il y a Kumba, là c’est Rusty [les chiens]… Ce sont des psychopathes, ils ne supportent pas les moutons, donc va falloir faire attention à vous. » Au bout d’un certain temps, les bêtes sont en confiance, se mettent à le suivre, font le tour du parc au même rythme que lui mais à l’intérieur des filets. « Et là ça commence à être gagné. Elles ont compris : ça c’est notre berger ! Elles se font à ta dégaine, à ta voix, à tes chiens, les odeurs, la manière de faire, les gestes, tout. Ta voix surtout ! » Ainsi s’établissent des codes, des « biais » qui permettent aux deux univers – celui du troupeau et celui du berger – de s’accorder.
Maurice raconte qu’un jour il croise son éleveur au niveau d’un pont. Il est à la tête de 1 200 bêtes qu’il freine pour laisser passer la voiture etbavarder avec lui. « Tu sais ce qu’il a fait le troupeau ? Il s’est couché derrière moi. (…) Les bêtes, elles savaient où j’allais. Je ne les trahissais pas. Ça faisait déjà un ou deux jours que j’étais allé les faire pâturer dans un nouveau secteur, sur du net [de l’herbe neuve]. Quoiqu’il arrive, elles savaient qu’on allait vers du net. »Les brebis ne se sont pas dispersées, n’ont pas fait demi-tour, attendant calmement la fin de la conversation avant de repartir« Créer une telle relation avec le troupeau, c’est énorme, tu vois ? »

Regain de vocations

Alors que le développement de l’élevage intensif a failli ruiner le pastoralisme et la pratique des alpages ces cinquante dernières années, le regain des vocations de bergers, la prise de conscience qu’un troupeau n’est pas qu’une usine à viande ou à lait, sont des signes encourageants pour l’avenir d’un élevage à visage humain, où le berger et son troupeau apprennent l’un de l’autre. Ces témoignages émouvants et sincères, ces mots et ces secrets d’estive pour une fois partagés, rappellent opportunément que la vie dans les alpages ne se limite pas à une guerre avec les loups et leurs défenseurs – absents du livre – mais appartient à une culture ancestrale où l’homme et la bête savent vivre en bonne compagnie.
jpgene.cook@gmail.com

dimanche 22 mai 2016

Devenez fermier pour un loyer de 1,20 € par an - Edition du soir Ouest France - 19/05/2016

Devenez fermier pour un loyer de 1,20 € par an - Edition du soir Ouest France - 19/05/2016

Devenez fermier pour un loyer de 1,20 € par an

ACTUALITÉ
Un domaine de 344 hectares au calme, peuplé de 500 moutons, avec vue sur mer… Des conditions parfaites pour couler des jours heureux, non ? L’association de protection du patrimoine britannique vous donne les clés d’une ferme bucolique au pays de Galles contre un loyer de 1,20 € par an. À une seule condition : entretenir la ferme, prendre soin des bêtes et du pâturage !
Avec des falaises de craie comme promontoire, cette ferme, dotée d’une vue imprenable sur la côte septentrionale du pays de Galles, cherche un berger qui voudrait bien s’installer sous sa bonne étoile. Bienvenue sur le toit de Great Orme, un plateau d’herbe bien verte, surplombant la station balnéaire britannique de Llandudno.
« Nous mettons en location notre ferme côtière de caractère, d’une valeur de 1,2 million d’euros, pour seulement 1,20 € par an. La préservation et l’avenir de ce cadre privilégié peuvent être entre vos mains. » C’est par ces quelques lignes très alléchantes que le National Trust (NT) tente d’attirer un nouveau fermier à Great Orme. Le NT est une association britannique, à but non lucratif, fondée dans le but de « conserver et de mettre en valeur des monuments et des sites d’intérêt collectif ». L’Unesco local en quelque sorte.
La ville de Llandudno, avec les falaises de Great Orme en arrière-plan. (Photo : Wikimédia)
Chasser les promoteurs
« Nous ne préférons pas mettre le terrain et la ferme en vente car nous craignons qu’ils soient rachetés par un promoteur immobilier qui pourrait y bâtir un golf ou d’autres constructions que nous ne voulons absolument pas voir ici », a expliqué William Greenwood, le directeur général de National Trust, aux médias locaux.
Le plateau de Great Orme avait justement été racheté en 1965, dans le cadre de la campagne Neptune dédiée à la protection de ce littoral britannique, pour éviter qu’un hôtel ne pousse sur les falaises de cette réserve naturelle.
Un fermier héroïque
Le National Trust ne recherche pas un locataire ordinaire mais « un héros de l’agriculture » qui doit être « passionné par la nature, les gens et les moutons ». Le futur occupant des lieux paiera un loyer annuel de seulement 1,20 €, pendant dix ans. Sa mission ? Entretenir les 58 hectares de ferme et les 291 hectares de pâturage. Avec le sourire et dans le respect des riverains.

Vue panoramique des falaises de Great Orme. (Photo : nationaltrust.org.uk)
(Photo : Pixabay)
Les postulants doivent remplir un formulaire en ligne avant le 10 juin à minuit. Si vous vous avez un penchant pour les cadres bucoliques, c’est le moment de vous lancer. Vous devez simplement détailler toutes vos idées à mettre en place pour préserver ce havre de paix.
À partir du 13 juin, les noms des candidats retenus seront dévoilés. Puis, des entretiens individuels auront lieu le 5 juillet. Si vous êtes l’heureux élu, vous aurez les clés de la ferme entre vos mains dès le début du mois d’octobre.
La main verte
Dans son annonce, le National Trust insiste particulièrement sur un point : la gestion et l’entretien des pâturages. Avoir la main verte et une connaissance des techniques d’entretien de la prairie est nécessaire. Sinon, on vous enverra paître…
« Les techniques de pâturage traditionnel exigent un déplacement fréquent des moutons », détaille William Greenwood dans une vidéo. Cela signifie que le futur fermier-berger devra passer de nombreuses heures de transhumance. Autre détail, mais pas des moindres : la région attire plus de 600 000 touristes chaque année. Entre les touristes et les moutons, la patience est une qualité indispensable.
(Photo : capture d’écran Youtube)
Le tramway touristique remonte vers le sommet de Great Orme. (Photo : Wikimédia)

vendredi 20 mai 2016

C'est pas sorcier - Transhumance

BA "Au-dessus du Monde" et "Les Brebis de mon Pere"

La déclaration des droits des paysans est une source indispensable de légitimité

La déclaration des droits des paysans est une source indispensable de légitimité

Droits humains

La déclaration des droits des paysans est une source indispensable de légitimité

Déclaration de Vincent Delobel, Mouvement d'Action Paysanne, lors de la troisième session du groupe de travail intergouvernemental sur une déclaration des Nations unies sur les droits des paysans et d'autres personnes travaillant dans les zones rurales

Chère Madame Présidente-Rapporteur, Chers délégués, Mesdames et Messieurs,
(Genève, Palais des Nations, 17 mai 2016C’est un honneur et un plaisir pour moi d’être ici et de prendre la parole au nom des jeunes paysannes et paysans européens et de pouvoir porter notre message. Chevrier bio en Belgique, je cultive l’alimentation de mes chèvres et transforme leur lait en différents fromages.
Aujourd’hui, en Europe, notre métier d’agriculteur et encore plus particulièrement celui d’éleveur est menacé. Nous ne sommes que 10% des agriculteurs à être âgés de moins de 40 ans. En effet, de nombreux collègues produisent à perte, leur marge économique et leur pouvoir de négociation sont réduits à néant. Beaucoup d’entre nous se retrouvent coincés dans une trajectoire de développement non seulement très risquée d’un point de vue financier mais qui en plus nous amène à réaliser notre métier, à traiter nos sols, cultures et animaux d’une manière qui ne nous correspond pas.
D’année en année, nous sommes de plus en plus nombreux, en réaction à cette menace de disparition, à repenser nos pratiques d’élevage et de culture, à réorganiser notre système de production vers davantage d’autonomie. Nous désirons produire nous-mêmes une alimentation diversifiée pour nos animaux, mieux valoriser nos engrais de ferme, développer des semences adaptées à ces pratiques… Et de manière générale, nous aspirons à davantage d’autonomie décisionnelle, à choisir des manières de cultiver et d’élever qui soient plus cohérentes avec nos valeurs, notre éthos, et nos vécus parmi ces êtres vivants. Nous sommes aussi de plus en plus nombreux à réorganiser nos modes de transformation avec des méthodes artisanales qui assurent une continuité entre la santé du sol et celles des hommes. Nous essayons aussi d’organiser de nouvelles filières véritablement équitables qui rémunèrent dignement notre travail et notre savoir-faire.
Comme depuis des siècles, nous, les paysans cultivons toujours cet art salutaire de la « débrouillardise nourricière », nous avons continué à nourrir nos concitoyens dans toutes sortes de contextes. Notre problème aujourd’hui est que cette inventivité se heurte rapidement aux règlements en vigueur, aux standards industriels et plus largement au régime de l’agro-business.
Très concrètement, comme de nombreux collègues, je transforme mon lait de chèvre en fromages tout en veillant à préserver la flore qu’il contient. Sans cesse, nous devons nous battre pour faire reconnaître et tolérer ce mode de transformation « au lait cru » que les industries ne peuvent réaliser.
Dans un autre domaine, nous développons et multiplions des ensembles hétérogènes de semences qui sont capables de pousser de manière résiliente dans des conditions plus difficiles. La réglementation en vigueur restreint sévèrement la circulation de ces graines entre paysans de sorte que nous versons rapidement dans l’illégalité.
Nous ne pouvons pas accepter de toujours devoir justifier nos pratiques alors que nous sommes la base nourricière de nos communautés, et que nos techniques sont à la fois innovantes et inspirées par nos longues traditions.
La déclaration des droits paysans va nous soutenir en donnant un cadre juridique à cette re-paysannisation de l’agriculture, à cette forme de développement rural porté spontanément et avec persévérance par les paysans en Europe et partout dans le monde. Pour nous, cette déclaration est une source indispensable de légitimité pour cette inventivité, ces nouveautés. En effet, elle reconnaît de manière cohérente à la fois notre existence, nos particularités, nos valeurs séculaires, mais aussi notre rôle dans la souveraineté alimentaire de nos communautés, dans le développement économique des campagnes, et l’importance de notre avenir lui-même pour relever les défis globaux du changement climatique, de la sécurité internationale et tout simplement de l’existence viable de l’humanité sur cette planète.
Merci,

MODÈLE PRODUCTIVISTE : CES AGRICULTEURS QUI SORTENT DU RANG

AGRICULTURE ET SOCIÉTÉ. REVUE DE PRESSE. 19 MAI 2016
MODÈLE PRODUCTIVISTE : CES AGRICULTEURS QUI SORTENT DU RANG
LE MONDE, L’EXPRESS, L’EXPANSION, MEDIATERRE, LE FIGARO
« Une concurrence étrangère de plus en plus rude, des aides de la PAC de moins en moins généreuses »(L’Expansion), un modèle conventionnel productiviste de plus en plus critiqué, des agriculteurs (particulièrement les éleveurs) malmenés par la baisse des cours, la multiplication des normes et des contrôles, démunis face aux conseils des experts... Autant de crises conjoncturelles et structurelles qui poussent certains d’entre eux à changer de pratiques, voire à remettre en cause les paradigmes qui ont guidé jusqu’alors leur activité. Mais vers quels modèles se tournent-ils, et pour quelles raisons ? Quelques exemples piqués dans la presse.
 
« Retrouver un prix rémunérateur »
« Face à la crise agricole, le bio tire son épingle du jeu ». Premier modèle en forte progression ces derniers temps, l’agriculture biologique. Le Monde fait état d’un « afflux de conversion », chiffres à l’appui. Même si le bio reste minoritaire sur le territoire agricole (4,9%), les surfaces engagées en AB « ont bondi de 17% en un an ». Parmi les nouveaux adeptes, principalement des éleveurs qui veulent « retrouver un pouvoir de décision et un prix rémunérateur ». Effectivement, les chiffres sont assez éloquents : un exploitant laitier « standard » vendra ses 1000 litres de production à 280€, contre 450€ en moyenne pour un exploitant « bio » par exemple.
« Être plus économe »
Autre marge de manœuvre possible : réduire les coûts d’exploitation. Dans les pages du Monde, Manon Rescan dresse le portrait de ces éleveurs en « Burn-out », avec une « comptabilité déficitaire » ou en « redressement judiciaire » et qui, pour se sortir la tête de l’eau, rompent radicalement avec leurs méthodes d’élevage. Avec l’aide de Solidarité Paysans - un collectif ayant pour but de soutenir et de venir en aide aux agriculteurs n’arrivant plus à subvenir à leur besoin -, ces éleveurs quittent le tout productif pour un fonctionnement « plus économe et autonome ». Une stratégie élaborée au cas par cas, généralement caractérisée par une réduction des rations de maïs et des doses de compléments et, à l’inverse, un retour à l’herbequi permet d’alléger jusqu’à 50 % de leur charge liée à l’alimentation animale.
Le point commun de ces démarches ? Sortir du paradigme « Dépenser plus [1] pour produire plus ». Une philosophie que l’on retrouve également dans les propos de la Présidente de la Fédération nationale de l’agriculture biologique, Stéphanie Pageot : « Il faut passer d’une logique de chiffre d’affaires, à une logique de marge. Ce qui compte, ce n’est pas la quantité produite mais ce qui reste à la fin du mois » (L’Expansion).
« Redevenir le patron de sa ferme »
Autonomie. Le terme revient sans cesse dans la bouche des agriculteurs interrogés par Le Monde. Frédéric Lethuillier, éleveur dans le département de la Sarthe ayant vécu un « burn-out », l’affirme : « Le problème, c’est qu’on est une profession où on est trop conseillés ». Plusieurs agriculteurs évoquent, au moment de leur installation, ces conseillers « qui les ont détournés de leur intuition et intention : faire de l’herbe ». Un autre couple, exploitants laitiers dans la Sarthe, explique : « On est formatés à faire de l‘intensif, à l’école, à la chambre d’agriculture … On nous dit : faites plus et vous aurez plus. Mais, parfois, le plus tourne au moins » constate-t-il. Sans compter que les conseillers sont aussi, parfois, les prescripteurs, et donc les vendeurs d’intrants et autres compléments …
« Ne pas prendre de décision à leur place ». C’est la ligne de conduite choisie par les acteurs de Solidarité Paysans et du CIVAM [2] lors de leurs interventions sur les exploitations. Objectif : redonner les clés de son exploitation à l’agriculteur. Au fil des témoignages, les principaux concernés confient, fièrement, être « redevenu patron de [leur] ferme »« Je n’écoute plus les conseils, c’est moi qui prends les décisions ». Un état d’esprit qui n’a pas que des répercussions humaines. Un éleveur « assure avoir vu une différence sur ses animaux qui sont plus calmes ». Conséquence, les visites chez le vétérinaire s’en trouvent réduites, avec une facture annuelle allégée de 30%, et c’est autant d’économies réalisées …
L’autonomie, c’est aussi l’un des arguments mis en avant par les agriculteurs qui mettent en place sur leur exploitation une ou plusieurs démarches agroécologiques. C’est l’un des aspects d’une enquête de BVA réalisée en décembre 2015, menée auprès d’un échantillon de 800 agriculteurs pratiquant différentes activités dans toute la France (Mediaterre) : 92 % d’entre eux mettent en place au moins une démarche en lien avec l’agroécologie et 73 % sont déjà engagés dans au moins trois. Cette même étude affirme que l’agroécologie s’étend en France et plus particulièrement auprès du jeune public de moins de trente ans. Celui-là même qui viendra façonner l’agriculture française de demain.
Revue de presse par Romain Marcuz, stagiaire à la Mission Agrobiosciences.